Déclaration du Représentant permanent de la Russie à l’ONU, Vassily Nebenzia, avant le vote du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le projet de résolution sur Idlib présenté par la Belgique, l’Allemagne et le Koweït, le 19 septembre 2019.
Cette résolution appelant à un cessez-le-feu universel qui inclurait également les terroristes, contre lesquels l’armée syrienne et ses alliés seraient contraints de cesser les opérations, a reçu 12 votes en sa faveur (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Belgique, République dominicaine, Koweït, Pérou, Pologne, Côte-d’Ivoire, Indonésie, Afrique du Sud), 2 vétos (Russie, Chine) et une abstention (Guinée Equatoriale).
Source : https://russiaun.ru/en/news/sc1909
Traduction : lecridespeuples.fr
Transcription :
Nous devons voter sur le projet de résolution présenté par les « porte-plume humanitaires » (de Washington), à savoir le Koweït, l’Allemagne et la Belgique. Définissons d’abord les objectifs que ses auteurs prétendent poursuivre. Dès le début des discussions, ils ont tout mis en œuvre pour nous convaincre qu’ils étaient uniquement guidés par des préoccupations humanitaires, qu’ils ne cherchaient jamais à réaliser des objectifs cachés et qu’ils ne voulaient en aucun cas porter atteinte à l’unité du Conseil. S’il en avait vraiment été ainsi, nous aurions sans aucun doute soutenu leur texte. Cependant, à notre grand regret, le contenu du projet de résolution et son processus de mise en œuvre définissent sans ambiguïté le véritable objectif de nos collègues : sauver les terroristes internationaux retranchés à Idlib de la défaite ultime et présenter la Russie et la Syrie comme « coupables de ce qui se passe à Idlib ».
Permettez-moi de souligner d’emblée que c’est le mépris des auteurs du projet pour la nécessité de combattre les terroristes qui est devenu la ligne de démarcation qui ne nous permet pas d’appuyer le projet que nous avons sous les yeux. Ce faisant, les « porte-plume humanitaires » (de Washington) tentent d’ignorer les décisions existantes en faveur desquelles le Conseil de sécurité a voté. Lorsqu’ils nous ont demandé de respecter le mémorandum de Sotchi du 17 septembre 2018, les coauteurs ont obstinément refusé de prendre note de sa disposition essentielle : le cessez-le-feu ne s’applique pas aux groupes terroristes.
Pendant toute la période de réflexion du projet de résolution, nous n’avons pas pu nous débarrasser d’un sentiment de déjà vu. Les accès de fièvre ‘humanitaire’ de nos collègues coïncident étrangement avec la défaite des terroristes dans une autre région de la Syrie qu’ils avaient capturée. C’était déjà le cas (juste avant leur défaite) à Alep et dans la Ghouta orientale. Cela se reproduit aujourd’hui avec Idlib. Messieurs, vous chantez une même chanson, encore et encore. Alors que les troupes gouvernementales syriennes se rapprochent des places fortes des terroristes, ces derniers se transforment en une « opposition syrienne (légitime) contre le régime d’Assad ».
À Idlib, comme notre collègue britannique vient de tenter de nous en persuader, il s’avèrerait qu’il y a plus de bébés que de terroristes. Il existe des statistiques absolument incroyables et non fondées sur les supposés mouvements massifs de personnes. Où ces gens vont-ils ? Où habitent-ils ensuite ? Lorsqu’on cite la population d’Idlib, diverses sources, y compris les sources de l’ONU, fournissent des chiffres qui diffèrent les uns des autres de plusieurs centaines de milliers. En outre, nous entendons maintenant des avertissements selon lesquels « Hayat Tahrir al-Sham », implanté à Idlib, se serait « émancipé », devenant une structure responsable qui aurait instauré une vie paisible et gèrerait une sorte d’administration civile. Nous avions l’habitude d’entendre des idées similaires à propos du prédécesseur de HTS, « Al-Nusra ». Cela malgré le fait que les deux groupes ont été répertoriés (comme des organisations terroristes) par le Conseil de sécurité.
Enfin, il y a un autre aspect non moins important. Les « porte-plume humanitaires » (de Washington) ont présenté leur projet de résolution et ont cherché à accélérer le processus d’examen en mettant en avant les informations faisant état de pertes massives de vies civiles à Idlib. Mais la réalité est différente. Tout d’abord, aucune opération massive n’a eu lieu à Idlib, ni ne s’y déroule actuellement. La province observe le cessez-le-feu, qui n’est parfois violé que parles terroristes. Deuxièmement, il y a beaucoup de doute sur la crédibilité des données qui ont été larguées dans les médias et qui ont ensuite abouti aux déclarations de nos collègues du Conseil de Sécurité. Le lundi 16 septembre, nous avons tenu une conférence de presse détaillée au cours de laquelle, sur la base de données irréfutables, nous avions souligné que les cas les plus « médiatisés » d’attaques présumées russes et syriennes contre des installations civiles à Idlib étaient en réalité mensongers, et que le mécanisme de désescalade de l’ONU a été utilisé pour répandre des informations fausses (des cibles militaires sont répertoriées comme civiles pour empêcher leur bombardement, et les coordonnées de cibles réellement civiles sont falsifiées pour correspondre à des cibles militaires, ce qui permet de protéger les terroristes et d’accuser les forces syriennes et leurs alliés de crimes inexistants).
Photo de Google Maps montrant la distance séparant l’hopital réel de Kafer Zaita du point qui a été faussement présenté comme tel via le mécanisme de désescalade de l’ONU. Document issu de la conférence de presse de Vassily Nebenzia le 16 septembre.
Point correspondant réellement aux fausses coordonnées de l’hôpital de Kafer Zaita.
Aujourd’hui, la distinguée représentante des États-Unis a commencé sa déclaration en disant qu’il y avait de nouveaux rapports sur des frappes aériennes sur des hôpitaux. Nous n’avons pas entendu cette déclaration de Mme Mueller (Secrétaire Générale adjointe aux affaires humanitaires) ; elle a justement souligné le changement de la situation sur le terrain survenu après le 31 août. Puisqu’on parle encore d’hôpitaux, je vais vous donner deux exemples que nous avons cités lors de la conférence de presse. « L’hôpital prétendument bombardé à Kafr-Zeita s’est en réalité avéré être une tranchée-abri contenant un stock de médicaments fabriqués à la main, que les terroristes avaient creusé à 4 kilomètres du véritable centre de santé. Quant à ce qui aurait prétendument été un hôpital à Ma’arat An-Numan, qui aurait également été bombardé, il s’agissait d’un poste de police situé à 10 km du véritable hôpital. L’avant-poste était utilisé comme dépôt d’armes. De plus, ni les vrais hôpitaux, qui sont intacts, ni la tranchée-abri et l’avant-poste de la police n’ont été bombardés ». Nous avons reçu ces données via le mécanisme de désescalade de l’ONU qui les a reçues de sources fiables à Idlib, car nous savons que l’ONU n’est pas présente sur le terrain à Idlib. Durant le seul mois de juillet, nous avons reçu 12 coordonnées qui étaient tout aussi fausses. Nous avons présenté des photos prises à la fois avant et après les attaques présumées. Les bâtiments et les installations, y compris les établissements médicaux, restent intacts.
Trois exemples de localisations faussement répertoriées par l’ONU comme des installations médicales.
Je comprends que cette information soit désagréable et inconfortable pour vous. Ce n’est pas un hasard si aucun média occidental n’a rien publié à ce sujet. Nous convenons que le conflit syrien n’a pas de solution militaire, mais seulement une solution politique. Afin de faciliter le processus de règlement politique, il ne serait pas mauvais de retirer toutes les formations armées illégales présentes en Syrie.
Trois installations médicales réelles qui auraient été prétendument bombardées par la Syrie ou la Russie d’après l’ONU et les médias, mais que les photos prises avant et après la date des frappes alléguées révèlent intactes. Cliquer sur les images pour les agrandir.
Chers collègues, nous sommes convaincus qu’il ne faut pas se laisser guider par la désinformation et le mensonge lors de la prise de décisions au Conseil de sécurité, même si ces mensonges et cette désinformation sont très profitables pour certains. Il est à la fois inacceptable et immoral de spéculer sur les souffrances de la population civile qui reste l’otage de terroristes que certains de nos collègues occidentaux protègent et préservent avec tant de soin. En outre, nous comprenons tous que la position peu constructive et débridée de nos collègues occidentaux, qu’ils ont affichée dès le début et qui n’a jamais changé au cours de nos travaux sur le projet de texte, révèle leurs véritables objectifs, à savoir faire en sorte que la Russie recoure à nouveau à son droit de veto sur la question syrienne. Nous avons averti les coauteurs dès le début que leur projet de résolution dans sa forme initiale était voué à l’échec. Ils le savaient à l’époque, ils le savent maintenant. Cependant, malgré nos avertissements, ils ont soumis leur projet au vote, portant ainsi délibérément atteinte à l’unité du Conseil. J’ai une question pour les auteurs de la résolution : qu’essayez-vous de faire, et qu’obtiendrez-vous réellement avec cela ? Quel signal envoyez-vous à la communauté internationale ? Voulez-vous nous voir utiliser notre droit de veto pendant le mois de notre présidence (du Conseil de Sécurité) ? Est-ce ainsi que vous marquez le début de la Semaine de Haut Niveau ? Est-ce votre contribution à la création du Comité constitutionnel (syrien) ?
J’appelle les délégations qui plaident en faveur d’un règlement réel de la situation en Syrie et d’une dépolitisation du dossier humanitaire à se joindre à nous et à voter contre le projet de résolution des « porte-plume humanitaires » (de Washington).
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Déclaration du Représentante permanent de la Russie à l’ONU, Vassily Nebenzia, avant le vote du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le projet de résolution sur Idlib présenté par la Russie et la Chine.
Cette résolution, qui appelait à maintenir le cessez-le feu conclu le 31 août et à continuer à en exclure les groupes terroristes, a reçu 2 votes en sa faveur (Russie, Chine), 9 votes contre (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Belgique, République dominicaine, Koweït, Pérou, Pologne) et 4 abstentions (Côte-d’Ivoire, Guinée Equatoriale, Indonésie, Afrique du Sud).
Transcription :
Nous présentons notre projet de résolution sur Idlib dans le cadre des efforts visant à améliorer la situation humanitaire dans cette région de la Syrie.
Contrairement à l’autre projet de résolution, au sujet duquel j’ai déjà expliqué les raisons de notre véto, notre texte se caractérise uniquement par sa dimension humanitaire, et il ne contient aucun passage politisé ou controversé. Il prévoit un soutien pour le processus de cessation des hostilités qui a été mis en place et pour garantir l’accès humanitaire à Idlib.
Lorsqu’il a expliqué son vote sur cette résolution, le représentant des États-Unis a déclaré que le Conseil n’avait pas été en mesure de s’accorder sur un cessez-le-feu. Nous n’avons pas besoin de cela, car le cessez-le-feu à Idlib est en vigueur depuis le 31 août 2019. Ironiquement, l’aviation américaine a été la première à le violer, car elle a attaqué des cibles à Idlib exactement le jour où le cessez-le-feu a commencé, le 31 août. Nous avons été appelés à mettre fin aux attaques brutales en Syrie. Il me semble que les États-Unis devraient s’adresser ces appels à eux-mêmes. Nous nous souvenons trop bien de la façon dont l’aviation américaine a combattu le terrorisme en Irak, que ce soit à Mossoul et dans d’autres lieux densément peuplés. Nous nous souvenons de la façon dont ils ont « observé » le droit international humanitaire. Nos forces aéronautiques ne rasent pas des villes entières, elles ne ciblent que les cibles reconnues et vérifiées qui abritent des terroristes. Elles évitent toute attaque pouvant affecter les civils.
Les membres du Conseil ne peuvent guère douter des dispositions de notre projet de résolution. Il est possible de parvenir à un accord sur la situation humanitaire en Syrie aujourd’hui. En cas de doute, la communauté internationale et nous-mêmes seront impatients de l’écouter.
Lors du vote sur le projet russe, nous appelons nos collègues à considérer ceci. Le stade de la confrontation armée dans la crise syrienne est terminé. Ceux qui sont vraiment intéressés par un règlement politique ont rejoint le processus. Beaucoup de travail a déjà été fait. Nous devrions nous associer à ces efforts axés sur les objectifs, notamment ceux de l’ONU, plutôt que d’utiliser les aspects humanitaires à des fins politiques. Les terroristes sont les seuls à continuer la guerre pour détruire l’État syrien et faire souffrir une population pacifique. Les tentatives visant à les couvrir ou à les présenter comme une opposition déradicalisée sont inacceptables.
Dans le même temps, comme stipulé dans notre projet de résolution, la communauté internationale devrait prendre des mesures pour améliorer la situation humanitaire à Idlib.
Nous espérons que les membres du Conseil adopteront une approche constructive et soutiendront notre projet de résolution.
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