Allocution du Président de la Fédération de Russie, le 21 février 2022 à 22h35.

Palais du Kremlin, Moscou

Source : en.kremlin.ru

Traduction : lecridespeuples.fr

Président de la Russie Vladimir Poutine : Chers concitoyens russes, chers amis,

Mon discours concerne les événements en Ukraine et la raison pour laquelle cette question est si importante pour nous, pour la Russie. Bien entendu, mon message s’adresse également à nos compatriotes en Ukraine.

La question est très grave et doit être discutée en profondeur.

La situation dans le Donbass a atteint un stade critique et aigu. Je m’adresse directement à vous aujourd’hui, non seulement pour vous expliquer ce qui se passe, mais aussi pour vous informer des décisions qui sont prises ainsi que d’éventuelles étapes ultérieures.

Je voudrais souligner à nouveau que l’Ukraine n’est pas seulement un pays voisin pour nous. C’est une partie inaliénable de notre propre histoire, de notre culture et de notre espace spirituel. Ce sont nos camarades, ceux qui nous sont les plus chers –non seulement des collègues, des amis et des personnes qui ont autrefois servi ensemble, mais aussi des parents, des personnes liées par le sang, par des liens familiaux.

Depuis des temps immémoriaux, les habitants du sud-ouest de ce qui a été historiquement la terre russe se sont appelés Russes et Chrétiens Orthodoxes. Ce fut le cas avant le XVIIe siècle, lorsqu’une partie de ce territoire rejoignit l’État russe, et après.

Il nous semble que, d’une manière générale, nous connaissons tous ces faits, que c’est de notoriété publique. Pourtant, il est nécessaire de dire au moins quelques mots sur l’histoire de cette question afin de comprendre ce qui se passe aujourd’hui, d’expliquer les motifs derrière les actions de la Russie et ce que nous visons à réaliser.

Donc, je commencerai par le fait que l’Ukraine moderne a été entièrement créée par la Russie ou, pour être plus précis, par la Russie bolchevique, communiste. Ce processus a commencé pratiquement juste après la révolution de 1917, et Lénine et ses associés l’ont fait d’une manière extrêmement dure pour la Russie –en séparant, en séparant ce qui est historiquement la terre russe. Personne n’a demandé aux millions de personnes qui y vivaient ce qu’ils en pensaient.

Puis, avant et après la Grande Guerre patriotique, Staline l’a incorporée à l’URSS et a transféré à l’Ukraine des terres qui appartenaient auparavant à la Pologne, à la Roumanie et à la Hongrie. Dans le processus, il a donné à la Pologne une partie de ce qui était traditionnellement des terres allemandes à titre de compensation, et en 1954, Khrouchtchev a enlevé la Crimée à la Russie pour une raison quelconque et l’a également donnée à l’Ukraine. En effet, c’est ainsi que s’est formé le territoire de l’Ukraine moderne.

Mais maintenant, je voudrais attirer l’attention sur la période initiale de la formation de l’URSS. Je crois que c’est extrêmement important pour nous. Je vais devoir l’aborder de loin, pour ainsi dire.

Je vous rappelle qu’après la révolution d’octobre 1917 et la guerre civile qui a suivi, les bolcheviks se sont mis à créer un nouvel État. Ils avaient entre eux d’assez sérieux désaccords sur ce point. En 1922, Staline occupait les postes de Secrétaire général du Parti communiste russe (bolcheviks) et de Commissaire du peuple aux affaires ethniques. Il a suggéré de construire le pays sur les principes de l’autonomisation, c’est-à-dire de donner aux républiques –les futures entités administratives et territoriales– de larges pouvoirs lors de leur adhésion à un État unifié.

Lénine critiqua ce plan et proposa de faire des concessions aux nationalistes, qu’il qualifiait alors d’ « indépendants ». Les idées de Lénine sur ce qui équivalait essentiellement à un arrangement d’État confédératif et à un slogan sur le droit des nations à l’autodétermination, jusqu’à la sécession, ont été posées à la base de l’État soviétique. Initialement, elles ont été confirmées dans la Déclaration sur la formation de l’URSS en 1922, et plus tard, après la mort de Lénine, ont été inscrites dans la Constitution soviétique de 1924.

Cela soulève immédiatement de nombreuses questions. La première est vraiment la principale : pourquoi était-il nécessaire d’apaiser les nationalistes, de satisfaire les ambitions nationalistes sans cesse croissantes à la périphérie de l’ancien empire ? Quel était l’intérêt de transférer aux nouvelles unités administratives, souvent arbitrairement formées –les républiques fédérées– de vastes territoires qui n’avaient rien à voir avec elles ? Permettez-moi de répéter que ces territoires ont été transférés avec la population de ce qui était historiquement la Russie.

De plus, ces unités administratives ont reçu de facto le statut et la forme d’entités étatiques nationales. Cela soulève une autre question : pourquoi était-il nécessaire de faire des dons aussi généreux, au-delà des rêves les plus fous des nationalistes les plus zélés et, en plus de tout cela, de donner aux républiques le droit de faire sécession de l’État unifié sans aucune condition ?

À première vue, cela semble absolument incompréhensible, voire fou. Mais seulement à première vue. Il y a une explication. Après la révolution, l’objectif principal des bolcheviks était de rester au pouvoir à tout prix, absolument à tout prix. Ils ont tout fait dans ce but : ils ont accepté l’humiliant Traité de Brest-Litovsk, bien que la situation militaire et économique de l’Allemagne kaiserienne et de ses alliés fut dramatique et que l’issue de la Première Guerre mondiale soit courue d’avance, et ils ont satisfait toutes les exigences et souhaits des nationalistes à l’intérieur du pays.

En ce qui concerne le destin historique de la Russie et de ses peuples, les principes de développement de l’État de Lénine n’étaient pas simplement une erreur ; c’était pire qu’une erreur, comme dit le proverbe. Cela est devenu évident après la dissolution de l’Union soviétique en 1991.

Bien sûr, nous ne pouvons pas changer les événements passés, mais nous devons au moins les admettre ouvertement et honnêtement, sans aucune réserve ni politicaillerie. Personnellement, je peux ajouter qu’aucun facteur politique, aussi impressionnant ou profitable qu’il puisse paraître à un moment donné, ne peut ou ne doit être utilisé comme principe fondamental d’un État.

Je n’essaie pas de rejeter la faute sur qui que ce soit. La situation dans le pays à cette époque, tant avant qu’après la guerre civile, était extrêmement compliquée ; elle était critique. La seule chose que je voudrais dire aujourd’hui, c’est que les choses étaient exactement comme ça. C’est un fait historique. En fait, comme je l’ai déjà dit, l’Ukraine soviétique est le résultat de la politique des bolcheviks et peut à juste titre être appelée « l’Ukraine de Vladimir Ilitch Lénine ». Il en a été le créateur et l’architecte. Ceci est entièrement et complètement corroboré par des documents d’archives, y compris les dures instructions de Lénine concernant le Donbass, qui a en fait été poussé en Ukraine. Et aujourd’hui, la « progéniture reconnaissante » a renversé les monuments de Lénine en Ukraine. Ils appellent cela la décommunisation.

Vous voulez la décommunisation ? Très bien, cela nous convient très bien. Mais pourquoi s’arrêter à mi-chemin ? Nous sommes prêts à montrer ce que signifieraient de véritables décommunisations pour l’Ukraine.

Pour en revenir à l’histoire, je voudrais répéter que l’Union soviétique a été créée à la place de l’ancien Empire russe en 1922. Mais la pratique a montré immédiatement qu’il était impossible de préserver ou de gouverner un territoire aussi vaste et complexe sur les principes amorphes qui équivalaient à la confédération. Ils étaient très éloignés de la réalité et de la tradition historique.

Il est logique que la Terreur rouge et un glissement rapide vers la dictature de Staline, la domination de l’idéologie communiste et le monopole du Parti communiste sur le pouvoir, la nationalisation et l’économie planifiée –tout cela a transformé les principes de gouvernement formellement déclarés mais inefficaces en une simple déclaration. En réalité, les républiques fédérées n’avaient aucun droit souverain, aucun. Le résultat pratique a été la création d’un État étroitement centralisé et absolument unitaire.

En fait, les principes de gouvernement que Staline a pleinement mis en œuvre n’étaient pas ceux de Lénine mais les siens propres. Mais il n’a pas apporté les modifications qui s’ensuivaient aux documents fondamentaux, à la Constitution, et il n’a pas formellement révisé les principes de Lénine qui sous-tendent l’Union soviétique. À première vue, cela ne semblait pas nécessaire, car tout semblait bien fonctionner dans les conditions du régime totalitaire et, extérieurement, cela avait l’air merveilleux, attrayant et même super-démocratique.

Et pourtant, il est bien dommage que les fondements structurels et formellement légaux de notre État n’aient pas été promptement nettoyés des fantasmes odieux et utopiques inspirés par la révolution, qui sont absolument destructeurs pour tout État normal. Comme cela arrivait souvent dans notre pays auparavant, personne ne pensait à l’avenir.

Il semble que les dirigeants du Parti communiste étaient convaincus qu’ils avaient créé un système de gouvernement solide et que leur politique avait définitivement réglé la question ethnique. Mais la manipulation, les idées fausses et la falsification de l’opinion publique ont un coût élevé. Le virus des ambitions nationalistes est toujours avec nous, et la mine posée au stade initial pour détruire l’immunité de l’État contre la maladie du nationalisme faisait tic tac. Comme je l’ai déjà dit, la mine était le droit de sécession de l’Union soviétique.

Au milieu des années 1980, les problèmes socio-économiques croissants et la crise apparente de l’économie planifiée ont aggravé la question ethnique, qui ne reposait fondamentalement pas sur des attentes ou des rêves non réalisés des peuples soviétiques, mais principalement sur les appétits croissants des élites locales.

Cependant, au lieu d’analyser la situation, de prendre les mesures appropriées, d’abord sur le plan économique, et de transformer progressivement le système politique et le gouvernement de manière réfléchie et équilibrée, la direction du Parti communiste n’a fait que se livrer à un double discours ouvert sur la relance du Principe léniniste de l’autodétermination nationale.

De plus, au cours de la lutte pour le pouvoir au sein du Parti communiste lui-même, chacun des camps opposés, dans le but d’élargir sa base de soutien, a commencé à inciter et à encourager sans réfléchir les sentiments nationalistes, les manipulant et promettant à ses partisans potentiels tout ce qu’ils souhaitaient. Sur fond de rhétorique superficielle et populiste sur la démocratie et un avenir radieux fondé soit sur une économie de marché soit sur une économie planifiée, mais sur fond d’un véritable appauvrissement des populations et de pénuries généralisées, personne au pouvoir ne pensait aux conséquences tragiques inévitables pour le pays.

Ensuite, ils s’engagèrent entièrement sur la voie battue à la naissance de l’URSS et se plièrent aux ambitions des élites nationalistes nourries dans les rangs de leur propre parti. Mais ce faisant, ils ont oublié que le PCUS n’avait plus –Dieu merci– les outils pour conserver le pouvoir et le pays lui-même, des outils tels que la terreur d’État et une dictature de type stalinienne, et que le rôle notoire du parti comme guide était en train de disparaître sans laisser de trace, comme une brume matinale, juste devant leurs yeux.

Puis la session plénière de septembre 1989 du Comité central du PCUS a approuvé un document vraiment fatal, la soi-disant politique ethnique du parti dans les conditions modernes, la plate-forme du PCUS. Il comportait les dispositions suivantes, je cite : « Les républiques de l’URSS possèderont tous les droits propres à leur statut d’États socialistes souverains. »

Le point suivant : « Les organes représentatifs suprêmes du pouvoir des républiques de l’URSS peuvent contester et suspendre l’application des résolutions et directives du gouvernement de l’URSS sur leur territoire. »

Et enfin : « Chaque république de l’URSS aura sa propre citoyenneté, qui s’appliquera à tous ses résidents. »

N’était-il pas clair à quoi mèneraient ces formules et ces décisions ?

Ce n’est ni le moment ni le lieu d’aborder des questions relatives au droit étatique ou constitutionnel, ou de définir le concept de citoyenneté. Mais on peut se demander : pourquoi était-il nécessaire de secouer encore plus le pays dans cette situation déjà compliquée ? Les faits demeurent.

Même deux ans avant l’effondrement de l’URSS, son sort était en fait prédéterminé. Aujourd’hui, les radicaux et les nationalistes, y compris et principalement ceux d’Ukraine, s’attribuent le mérite d’avoir obtenu l’indépendance. Comme nous pouvons le voir, c’est absolument faux. La désintégration de notre pays uni a été provoquée par les erreurs historiques et stratégiques des dirigeants bolcheviks et de la direction du PCUS, erreurs commises à différents moments dans la construction de l’État et dans les politiques économiques et ethniques. L’effondrement de la Russie historique connue sous le nom d’URSS est sur leur conscience.

Malgré toutes ces injustices, mensonges et pillage pur et simple de la Russie, c’est notre peuple qui a accepté la nouvelle réalité géopolitique qui a pris forme après la dissolution de l’URSS et a reconnu les nouveaux États indépendants. Non seulement la Russie a reconnu ces pays, mais elle a aidé ses partenaires de la CEI, même si elle était elle-même confrontée à une situation très grave. Cela comprenait nos collègues ukrainiens, qui se sont tournés vers nous pour obtenir un soutien financier à de nombreuses reprises dès le moment où ils ont déclaré leur indépendance. Notre pays a fourni cette assistance dans le respect de la dignité et de la souveraineté de l’Ukraine.

Selon des évaluations d’experts, confirmées par un simple calcul de nos prix de l’énergie, des prêts subventionnés que la Russie a accordés à l’Ukraine ainsi que des préférences économiques et commerciales, le bénéfice global pour le budget ukrainien au cours de la période de 1991 à 2013 s’est élevé à 250 milliards de dollars.

Cependant, il y avait plus que cela. À la fin de 1991, l’URSS devait quelque 100 milliards de dollars à d’autres pays et à des fonds internationaux. Au départ, il y avait cette idée que toutes les anciennes républiques soviétiques rembourseraient ces emprunts ensemble, dans un esprit de solidarité et proportionnellement à leur potentiel économique. Cependant, la Russie s’est engagée à rembourser toutes les dettes soviétiques et a tenu cette promesse en achevant ce processus en 2017.

En échange de cela, les États nouvellement indépendants devaient céder à la Russie une partie des avoirs extérieurs soviétiques. Un accord à cet effet a été conclu avec l’Ukraine en décembre 1994. Cependant, Kiev n’a pas ratifié ces accords et a ensuite simplement refusé de les honorer en exigeant une part du Trésor du diamant, des réserves d’or, ainsi que des biens de l’ex-URSS et d’autres biens. actifs à l’étranger.

Néanmoins, malgré tous ces défis, la Russie a toujours travaillé avec l’Ukraine de manière ouverte et honnête et, comme je l’ai déjà dit, dans le respect de ses intérêts. Nous avons développé nos liens dans de multiples domaines. Ainsi, en 2011, le commerce bilatéral a dépassé 50 milliards de dollars. Permettez-moi de noter qu’en 2019, c’est-à-dire avant la pandémie, le commerce de l’Ukraine avec tous les pays de l’UE réunis était inférieur à cet indicateur.

Dans le même temps, il est frappant de constater que les autorités ukrainiennes ont toujours préféré traiter avec la Russie d’une manière qui garantisse qu’elles jouissent de tous les droits et privilèges tout en restant libres de toute obligation.

Les responsables de Kiev ont remplacé le partenariat par une attitude parasitaire agissant parfois de manière extrêmement effrontée. Qu’il suffise de rappeler le chantage continu sur les transits d’énergie et le fait qu’ils volaient littéralement du gaz.

Je peux ajouter que Kiev a essayé d’utiliser le dialogue avec la Russie comme monnaie d’échange dans ses relations avec l’Occident, utilisant la menace de liens plus étroits avec la Russie pour faire chanter l’Occident afin d’obtenir des préférences, en affirmant que sinon, la Russie aurait une plus grande influence en Ukraine.

Dans le même temps, les autorités ukrainiennes –je voudrais le souligner– ont commencé par construire leur État sur la négation de tout ce qui nous unissait, essayant de déformer la mentalité et la mémoire historique de millions de personnes, de générations entières vivant en Ukraine. Il n’est pas surprenant que la société ukrainienne ait été confrontée à la montée du nationalisme d’extrême droite, qui s’est rapidement transformé en russophobie agressive et en néonazisme. Cela a abouti à la participation de nationalistes ukrainiens et de néonazis aux actions des groupes terroristes du Caucase du Nord et aux revendications territoriales de plus en plus fortes sur la Russie.

Un rôle a été joué à cet égard par des forces extérieures, qui ont utilisé un réseau ramifié d’ONG et de services spéciaux pour nourrir leurs clients en Ukraine et de faire parvenir leurs représentants au pouvoir.

Il convient de noter que l’Ukraine n’a en fait jamais eu de traditions stables d’État réel. Et, par conséquent, en 1991, l’Ukraine a opté pour l’émulation aveugle de modèles étrangers, qui n’ont aucun rapport avec l’histoire ou les réalités ukrainiennes. Les institutions gouvernementales politiques ont été réajustées à plusieurs reprises aux clans en croissance rapide et à leurs intérêts égoïstes, qui n’avaient rien à voir avec les intérêts du peuple ukrainien.

Essentiellement, le soi-disant choix civilisationnel pro-occidental fait par les autorités oligarchiques ukrainiennes n’était pas et n’est pas destiné à créer de meilleures conditions dans l’intérêt du bien-être des gens, mais à garder les milliards de dollars que les oligarques ont volés aux Ukrainiens et détiennent dans leurs comptes dans les banques occidentales, tout en accueillant avec révérence les rivaux géopolitiques de la Russie.

Certains groupes industriels et financiers ainsi que les partis et hommes politiques à leur solde se sont appuyés dès le départ sur les nationalistes et les radicaux. D’autres se sont déclarés favorables aux bonnes relations avec la Russie et à la diversité culturelle et linguistique, accédant au pouvoir avec l’aide de leurs citoyens qui soutenaient sincèrement leurs aspirations déclarées, y compris les millions de personnes dans les régions du sud-est. Mais après avoir obtenu les postes qu’ils convoitaient, ces gens ont immédiatement trahi leurs électeurs, revenant sur leurs promesses électorales et menant à la place une politique impulsée par les radicaux et persécutant même parfois leurs anciens alliés –les organisations publiques qui soutenaient le bilinguisme et la coopération avec la Russie. Ces personnes ont profité du fait que leurs électeurs étaient pour la plupart des citoyens respectueux des lois, aux opinions modérées, qui faisaient confiance aux autorités et que, contrairement aux radicaux, ils n’agiraient pas de manière agressive ou n’utiliseraient pas d’instruments illégaux.

Pendant ce temps, les radicaux sont devenus de plus en plus effrontés dans leurs actions et ont formulé plus d’exigences chaque année. Ils ont trouvé facile d’imposer leur volonté aux autorités faibles, qui étaient également infectées par le virus du nationalisme et de la corruption et qui ont astucieusement remplacé les véritables intérêts culturels, économiques et sociaux du peuple et la véritable souveraineté de l’Ukraine par diverses spéculations ethniques et attributs ethniques formels.

Un État stable ne s’est jamais développé en Ukraine ; ses procédures électorales et autres procédures politiques ne servent que de couverture, de paravent pour la redistribution du pouvoir et des biens entre divers clans oligarchiques.

La corruption, qui est certainement un défi et un problème pour de nombreux pays, dont la Russie, a dépassé le cadre habituel en Ukraine. Elle a littéralement imprégné et corrodé l’État ukrainien, l’ensemble du système et toutes les branches du pouvoir.

Les nationalistes radicaux ont profité du mécontentement public justifié et ont accaparé la manifestation de Maïdan, l’amenant à un coup d’État en 2014. Ils ont également bénéficié d’une aide directe d’États étrangers. Selon des informations, l’ambassade des États-Unis a fourni 1 million de dollars par jour pour soutenir le soi-disant camp de protestation sur la place de l’Indépendance à Kiev. De plus, des sommes importantes ont été impudemment transférées directement sur les comptes bancaires des dirigeants de l’opposition, des dizaines de millions de dollars. Mais les personnes qui ont réellement souffert, les familles de ceux qui sont morts dans les affrontements provoqués dans les rues et les places de Kiev et d’autres villes, combien ont-ils finalement touché ? Mieux vaut ne pas poser la question.

Les nationalistes qui ont pris le pouvoir ont déclenché une persécution, une véritable campagne de terreur contre ceux qui s’opposaient à leurs actions anticonstitutionnelles. Des politiciens, des journalistes et des militants publics ont été harcelés et publiquement humiliés. Une vague de violence a balayé les villes ukrainiennes, y compris une série de meurtres très médiatisés et impunis. On frémit au souvenir de la terrible tragédie d’Odessa, où des manifestants pacifiques ont été brutalement assassinés, brûlés vifs dans la Maison des syndicats. Les criminels qui ont commis cette atrocité n’ont jamais été punis et personne ne les recherche même. Mais nous connaissons leurs noms et nous ferons tout pour les punir, les retrouver et les traduire en justice.

Maïdan n’a pas rapproché l’Ukraine de la démocratie et du progrès. Après avoir accompli un coup d’État, les nationalistes et les forces politiques qui les soutenaient ont finalement conduit l’Ukraine dans une impasse, plongé le pays dans l’abîme de la guerre civile. Huit ans plus tard, le pays est divisé. L’Ukraine est aux prises avec une crise socio-économique aiguë.

Selon les organisations internationales, en 2019, près de 6 millions d’Ukrainiens –je le souligne–, environ 15 %, non pas de la main-d’œuvre, mais de l’ensemble de la population de ce pays, a dû partir à l’étranger pour trouver du travail. La plupart d’entre eux font des petits boulots. Le fait suivant est également révélateur : depuis 2020, plus de 60 000 médecins et autres agents de santé ont quitté le pays au milieu de la pandémie.

Depuis 2014, les factures d’eau ont augmenté de près d’un tiers et les factures d’énergie ont augmenté  plusieurs fois, tandis que le prix du gaz pour les ménages a bondi plusieurs dizaines de fois. Beaucoup de gens n’ont tout simplement pas l’argent pour payer les services publics. Ils luttent littéralement pour survivre.

Qu’est-il arrivé ? Pourquoi tout cela se passe-t-il ? La réponse est évidente. Ils ont dépensé et détourné l’héritage non seulement de l’ère soviétique, mais aussi de l’Empire russe. Ils ont perdu des dizaines, des centaines de milliers d’emplois qui permettaient aux gens de gagner un revenu fiable et de générer des recettes fiscales, entre autres grâce à une coopération étroite avec la Russie. Des secteurs tels que la construction de machines, l’ingénierie des instruments, l’électronique, la construction navale et aéronautique ont été minés ou complètement détruits. Il fut un temps, cependant, où non seulement l’Ukraine, mais toute l’Union soviétique était fière de ces entreprises.

En 2021, le chantier naval de la mer Noire à Nikolayev a cessé ses activités. Ses premiers quais remontent à Catherine II. Le célèbre constructeur Antonov n’a plus fabriqué un seul avion commercial depuis 2016, tandis que Yuzhmash, une usine spécialisée dans les missiles et les équipements spatiaux, est au bord de la faillite. L’aciérie de Krementchoug est dans une situation similaire. Cette triste liste s’allonge encore et encore.

Quant au système de transport du gaz, il a été entièrement construit par l’Union soviétique et il s’est aujourd’hui tellement détérioré que son utilisation présente des risques majeurs et un coût élevé pour l’environnement.

Cette situation soulève la question : pauvreté, manque d’opportunités et perte de potentiel industriel et technologique –est-ce le choix civilisationnel pro-occidental qu’ils utilisent depuis de nombreuses années pour tromper des millions de personnes avec des promesses de pâturages paradisiaques ?

Tout se résumait à une économie ukrainienne en lambeaux et à un pillage pur et simple des citoyens du pays, tandis que l’Ukraine elle-même était placée sous contrôle externe, dirigée non seulement depuis les capitales occidentales, mais aussi sur le terrain, comme on dit, à travers tout un réseau de conseillers étrangers, d’ONG et d’autres institutions présentes en Ukraine. Ils ont une incidence directe sur toutes les nominations et révocations clés et sur toutes les branches du pouvoir à tous les niveaux, du gouvernement central aux municipalités, ainsi que sur les entreprises et sociétés publiques, y compris Naftogaz, Ukrenergo, Ukrainian Railways, Ukroboronprom, Ukrposhta et l’Autorité ukrainienne des ports maritimes.

Il n’y a pas de système judiciaire indépendant en Ukraine. Les autorités de Kiev, à la demande de l’Occident, ont délégué le droit prioritaire de sélectionner les membres des organes judiciaires suprêmes, le Conseil de la justice et la Haute Commission des qualifications des juges, à des organisations internationales.

En outre, les États-Unis contrôlent directement l’Agence nationale de prévention de la corruption, le Bureau national de lutte contre la corruption, le Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption et la Haute Cour anticorruption. Tout cela se fait sous le noble prétexte de revigorer les efforts contre la corruption. D’accord, mais où sont les résultats ? La corruption est florissante comme jamais auparavant.

Le peuple ukrainien est-il conscient que c’est ainsi que son pays est géré ? Se rend-il compte que son pays n’est même pas devenu un protectorat politique ou économique mais a été réduit à une colonie avec un régime fantoche ? L’État a été privatisé. En conséquence, le gouvernement, qui se désigne comme le « pouvoir des patriotes », n’agit plus à titre national et pousse constamment l’Ukraine à perdre sa souveraineté.

La politique d’éradication de la langue et de la culture russes et de promotion de l’assimilation se poursuit. La Verkhovna Rada [Parlement ukrainien] a généré un flux constant de projets de loi discriminatoires, et la loi sur les soi-disant peuples indigènes est déjà entrée en vigueur. Les personnes qui s’identifient comme Russes et veulent préserver leur identité, leur langue et leur culture reçoivent le signal qu’elles ne sont pas bienvenues en Ukraine.

En vertu des lois sur l’éducation et la langue ukrainienne comme langue d’État, la langue russe n’a pas sa place dans les écoles ou les espaces publics, même dans les magasins. La loi sur la soi-disant vérification des fonctionnaires et la purge de leurs rangs a créé une voie pour se débarrasser des fonctionnaires indésirables.

Il y a de plus en plus d’actes permettant à l’armée ukrainienne et aux forces de l’ordre de réprimer la liberté d’expression, la dissidence et de poursuivre l’opposition. Le monde connaît la pratique déplorable consistant à imposer unilatéralement des sanctions illégitimes contre d’autres pays, des personnes physiques et morales étrangères. L’Ukraine a surpassé ses maîtres occidentaux en inventant des sanctions contre ses propres citoyens, entreprises, chaînes de télévision, autres médias et même contre des députés.

Kiev continue de préparer la destruction de l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou. Ce n’est pas un jugement émotionnel ; on en trouve la preuve dans des décisions et des documents concrets. Les autorités ukrainiennes ont cyniquement fait de la tragédie du schisme un instrument de politique d’État. Les autorités actuelles ne réagissent pas aux appels du peuple ukrainien à abolir les lois qui portent atteinte aux droits des croyants. De plus, de nouveaux projets de loi dirigés contre le clergé et des millions de paroissiens de l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou ont été enregistrés à la Verkhovna Rada.

Quelques mots sur la Crimée. Les habitants de la péninsule ont librement choisi d’être avec la Russie. Les autorités de Kiev ne peuvent contester le choix clairement exprimé de la population, raison pour laquelle elles ont opté pour une action agressive, pour l’activation de cellules extrémistes, y compris des organisations islamistes radicales, pour l’envoi de subversifs pour organiser des attentats terroristes contre des infrastructures critiques et pour l’enlèvement de citoyens russes. Nous avons des preuves factuelles que de telles actions agressives sont menées avec le soutien des services de sécurité occidentaux.

En mars 2021, une nouvelle stratégie militaire a été adoptée en Ukraine. Ce document est presque entièrement consacré à la confrontation avec la Russie et fixe l’objectif d’impliquer des États étrangers dans un conflit avec notre pays. La stratégie préconise l’organisation de ce qui peut être décrit comme un mouvement clandestin terroriste en Crimée russe et dans le Donbass. Elle trace également les contours d’une guerre potentielle, qui devrait se terminer, selon les stratèges de Kiev, « avec l’aide de la communauté internationale dans des conditions favorables pour l’Ukraine », ainsi que –écoutez bien, s’il vous plaît– « avec un soutien militaire étranger » dans la confrontation géopolitique avec la Fédération de Russie. En fait, ce n’est rien d’autre que la préparation d’hostilités contre notre pays, la Russie.

Comme nous le savons, il a déjà été déclaré aujourd’hui que l’Ukraine avait l’intention de créer ses propres armes nucléaires, et ce n’est pas seulement de la vantardise. L’Ukraine possède les technologies nucléaires créées à l’époque soviétique et les vecteurs de ces armes, y compris les avions, ainsi que les missiles tactiques de précision Tochka-U de conception soviétique d’une portée de plus de 100 kilomètres. Mais ils peuvent faire plus ; ce n’est qu’une question de temps. Ils en ont les bases depuis l’ère soviétique.

En d’autres termes, l’acquisition d’armes nucléaires tactiques sera beaucoup plus facile pour l’Ukraine que pour certains autres États que je ne mentionnerai pas ici, qui mènent de telles recherches, surtout si Kiev reçoit un soutien technologique étranger. Nous ne pouvons pas non plus exclure cela.

Si l’Ukraine acquiert des armes de destruction massive, la situation dans le monde et en Europe changera radicalement, surtout pour nous, pour la Russie. Face à ce danger réel, nous ne pouvons que réagir, d’autant plus que, je le répète, les patrons occidentaux de l’Ukraine pourraient l’aider à acquérir ces armes pour créer une nouvelle menace pour notre pays. Nous voyons avec quelle persistance le régime de Kiev est bombardé d’armes. Depuis 2014, les États-Unis ont dépensé à eux seuls des milliards de dollars à cette fin, notamment en fournitures d’armes et d’équipements et en formation de spécialistes. Au cours des derniers mois, il y a eu un flux constant d’armes occidentales vers l’Ukraine, avec ostentation, sous les yeux du monde entier. Des conseillers étrangers supervisent les activités des forces armées et des services spéciaux ukrainiens et nous en sommes bien conscients.

Au cours des dernières années, des contingents militaires des pays de l’OTAN ont été presque constamment présents sur le territoire ukrainien sous prétexte d’exercices. Le système ukrainien de contrôle des troupes a déjà été intégré à l’OTAN. Cela signifie que le quartier général de l’OTAN peut donner des ordres directs aux forces armées ukrainiennes, même à leurs unités et escouades distinctes.

Les États-Unis et l’OTAN ont entamé un développement impudent du territoire ukrainien en tant que théâtre d’opérations militaires potentielles. Leurs exercices conjoints réguliers sont manifestement anti-russes. L’année dernière seulement, plus de 23 000 soldats et plus d’un millier d’unités de matériel ont été impliqués.

Une loi a déjà été adoptée qui permet aux troupes étrangères de venir en Ukraine en 2022 pour participer à des exercices multinationaux. Naturellement, ce sont principalement des troupes de l’OTAN. Cette année, au moins dix de ces exercices conjoints sont prévus.

De toute évidence, de telles entreprises sont conçues pour dissimuler un renforcement rapide du groupe militaire de l’OTAN sur le territoire ukrainien. D’autant plus que le réseau d’aérodromes mis à niveau avec l’aide des États-Unis à Borispol, Ivano-Frankovsk, Chuguyev et Odessa, pour n’en citer que quelques-uns, est capable de transférer des unités de l’armée en très peu de temps. L’espace aérien ukrainien est ouvert aux vols d’avions stratégiques et de reconnaissance américains et de drones qui effectuent la surveillance du territoire russe.

J’ajouterai que le centre d’opérations maritimes construit par les États-Unis à Ochakov permet de soutenir l’activité des navires de guerre de l’OTAN, y compris l’utilisation d’armes de précision, contre la flotte russe de la mer Noire et nos infrastructures sur toute la côte de la mer Noire.

À un moment donné, les États-Unis avaient l’intention de construire des installations similaires en Crimée également, mais les Criméens et les habitants de Sébastopol ont détruit ces plans. Nous nous en souviendrons toujours.

Je voudrais répéter qu’aujourd’hui un tel centre a déjà été déployé à Ochakov. Au 18ème siècle, les soldats d’Alexander Suvorov se sont battus pour cette ville. Grâce à leur courage, elle est devenue une partie de la Russie. Toujours au 18e siècle, les terres du littoral de la mer Noire, incorporées à la Russie à la suite de guerres avec l’Empire ottoman, reçurent le nom de Novorossiya (Nouvelle Russie). Aujourd’hui, des tentatives sont faites pour condamner à l’oubli ces monuments de l’histoire, ainsi que les noms de personnalités étatiques et militaires de l’Empire russe sans les efforts desquels l’Ukraine moderne n’aurait pas beaucoup de grandes villes ni même d’accès à la mer Noire.

Un monument à l’honneur d’Alexander Suvorov a été récemment démoli à Poltava. Qu’y a-t-il à dire à cela ? Renoncez-vous à votre propre passé ? Le soi-disant héritage colonial de l’Empire russe ? Eh bien, dans ce cas, soyez cohérent.

Ensuite, notamment, l’article 17 de la Constitution de l’Ukraine stipule que le déploiement de bases militaires étrangères sur son territoire est illégal. Cependant, il s’avère que ce n’est qu’une convention qui peut être facilement contournée.

L’Ukraine abrite des missions d’entraînement de l’OTAN qui sont, en fait, des bases militaires étrangères. Ils ont juste appelé les bases des « missions » et en ont fini avec elle.

Kiev a depuis longtemps proclamé arpenter un sentier stratégique sur l’adhésion à l’OTAN. En effet, chaque pays a le droit de choisir son propre système de sécurité et de conclure des alliances militaires. Il n’y aurait aucun problème avec cela, s’il n’y avait pas un « mais ». Les documents internationaux stipulent expressément le principe de sécurité égale et indivisible, qui comprend l’obligation de ne pas renforcer sa propre sécurité au détriment de la sécurité des autres États. Cela est énoncé dans la Charte de sécurité européenne de l’OSCE de 1999 adoptée à Istanbul et dans la Déclaration d’Astana de l’OSCE de 2010.

En d’autres termes, le choix des voies pour assurer la sécurité ne devrait pas constituer une menace pour les autres États, alors que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est une menace directe pour la sécurité de la Russie.

Permettez-moi de vous rappeler qu’au sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008, les États-Unis ont fait adopter une décision selon laquelle l’Ukraine et, soit dit en passant, la Géorgie, deviendraient membres de l’OTAN. De nombreux alliés européens des États-Unis étaient déjà bien conscients des risques associés à cette perspective, mais ont été contraints d’accepter la volonté de leur partenaire principal. Les Américains les ont simplement utilisés pour mener une politique clairement anti-russe.

Un certain nombre d’États membres de l’OTAN sont encore très sceptiques quant à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Nous recevons des signaux de certaines capitales européennes nous disant de ne pas nous inquiéter car cela ne se fera pas littéralement du jour au lendemain. En fait, nos partenaires américains disent la même chose. « D’accord, alors » répondons-nous, « si ça n’arrive pas demain, alors ça arrivera après-demain. Qu’est-ce que cela change d’un point de vue historique ? Rien du tout. »

En outre, nous sommes conscients de la position et des propos des dirigeants américains selon lesquels les hostilités actives dans l’Est de l’Ukraine n’excluent pas la possibilité que ce pays rejoigne l’OTAN s’il respecte les critères de l’OTAN et surmonte la corruption.

Pendant tout ce temps, ils essaient de nous convaincre encore et encore que l’OTAN est une alliance pacifique et purement défensive qui ne représente aucune menace pour la Russie. Encore une fois, ils veulent que nous les croyions sur parole. Mais nous sommes bien conscients de la valeur réelle de ces mots. En 1990, lorsque l’unification allemande a été discutée, les États-Unis ont promis aux dirigeants soviétiques que la juridiction ou la présence militaire de l’OTAN ne s’étendraient pas d’un pouce vers l’Est et que l’unification de l’Allemagne ne conduirait pas à l’extension de l’organisation militaire de l’OTAN vers l’Est. Ceci est une citation.

Ils ont émis de nombreuses assurances verbales, qui se sont toutes avérées être des phrases creuses. Plus tard, ils ont commencé à nous assurer que l’adhésion à l’OTAN des pays d’Europe centrale et orientale ne ferait qu’améliorer les relations avec Moscou, soulager ces pays des peurs ancrées dans leur héritage historique amer, et même créer une ceinture de pays amis envers la Russie.

Cependant, c’est exactement le contraire qui s’est produit. Les gouvernements de certains pays d’Europe de l’Est, spéculant sur la russophobie, ont apporté leurs complexes et stéréotypes sur la menace russe à l’Alliance et ont insisté pour renforcer les potentiels de défense collective et les déployer principalement contre la Russie. Pire encore, cela s’est produit dans les années 1990 et au début des années 2000 lorsque, grâce à notre ouverture et à notre bonne volonté, les relations entre la Russie et l’Occident avaient atteint un niveau élevé.

La Russie a rempli toutes ses obligations, y compris le retrait de l’Allemagne, de l’Europe centrale et orientale, apportant une immense contribution à surmonter l’héritage de la guerre froide. Nous avons constamment proposé diverses options de coopération, y compris dans le cadre du Conseil OTAN-Russie et des formats de l’OSCE.

De plus, je dirai quelque chose que je n’ai jamais dit publiquement, je le dirai maintenant pour la première fois. Lorsque le Président américain sortant, Bill Clinton, s’est rendu à Moscou en 2000, je lui ai demandé ce que les États-Unis penseraient de l’admission de la Russie dans l’OTAN.

Je ne révélerai pas tous les détails de cette conversation, mais la réaction à ma question a été, disons, assez froide, et la véritable attitude des Américains face à cette possibilité se voit en fait dans leurs démarches ultérieures à l’égard de notre pays. Je fais référence au soutien manifeste aux terroristes dans le Caucase du Nord, au mépris de nos exigences et de nos préoccupations en matière de sécurité, à l’expansion continue de l’OTAN, au retrait du Traité ABM, etc. Cela soulève la question : pourquoi ? De quoi s’agit-il, quel est le but ? D’accord, vous ne voulez pas nous voir comme des amis ou des alliés, mais pourquoi faire de nous un ennemi ?

Il ne peut y avoir qu’une seule réponse : il ne s’agit pas de notre régime politique ou quoi que ce soit du genre. Ils n’ont tout simplement pas besoin [de l’existence] d’un grand pays indépendant comme la Russie. C’est la réponse à toutes les questions. C’est la source de la politique traditionnelle des États-Unis envers la Russie. D’où l’attitude envers toutes nos propositions de sécurité

Aujourd’hui, un coup d’œil sur la carte suffit pour voir dans quelle mesure les pays occidentaux ont tenu leur promesse de s’abstenir de l’expansion de l’OTAN vers l’Est. Ils ont juste triché. Nous avons vu cinq vagues d’expansion de l’OTAN, l’une après l’autre – la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ont été admises en 1999 ; Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie et Slovénie en 2004 ; Albanie et Croatie en 2009 ; Monténégro en 2017 ; et la Macédoine du Nord en 2020.

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En conséquence, l’Alliance, son infrastructure militaire a atteint les frontières de la Russie. C’est l’une des principales causes de la crise sécuritaire européenne ; elle a eu l’impact le plus négatif sur l’ensemble du système des relations internationales et a conduit à la perte de la confiance mutuelle.

La situation continue de se détériorer, y compris dans la zone stratégique. Ainsi, des zones de positionnement de missiles intercepteurs sont en cours d’établissement en Roumanie et en Pologne dans le cadre du projet américain de création d’un système mondial de défense antimissile. Il est de notoriété publique que les lanceurs qui y sont déployés peuvent être utilisés pour les missiles de croisière Tomahawk – des systèmes de frappe offensive.

En outre, les États-Unis développent leur Standard Missile-6 polyvalent, qui peut fournir une défense aérienne et antimissile, ainsi que frapper des cibles au sol et en surface. En d’autres termes, le prétendu système de défense antimissile américain défensif développe et étend ses nouvelles capacités offensives.

Les informations dont nous disposons nous donnent de bonnes raisons de croire que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et le déploiement ultérieur des installations de l’OTAN ont déjà été décidés et ne sont qu’une question de temps. Nous comprenons clairement que compte tenu de ce scénario, le niveau des menaces militaires contre la Russie augmentera considérablement, il sera démultiplié. Et je voudrais souligner à ce stade que le risque d’une frappe soudaine contre notre pays va se multiplier.

J’expliquerai que les documents de planification stratégique américains confirment la possibilité d’une attaque dite préventive contre les systèmes de missiles ennemis. On connaît aussi le principal adversaire des États-Unis et de l’OTAN. C’est la Russie. Les documents de l’OTAN déclarent officiellement que notre pays est la principale menace à la sécurité euro-atlantique. L’Ukraine servira de tête de pont avancée pour une telle frappe. Si nos ancêtres en entendaient parler, ils ne le croiraient probablement tout simplement pas. Nous ne voulons pas non plus le croire aujourd’hui, mais c’est ainsi. J’aimerais que les gens en Russie et en Ukraine comprennent cela.

De nombreux aérodromes ukrainiens sont situés non loin de nos frontières. L’aviation tactique de l’OTAN qui y est déployée, y compris les porte-armes de précision, sera capable de frapper notre territoire jusqu’à la profondeur de la ligne Volgograd-Kazan-Samara-Astrakhan. Le déploiement de radars de reconnaissance sur le territoire ukrainien permettra à l’OTAN de contrôler étroitement l’espace aérien russe jusqu’à l’Oural.

Enfin, après que les États-Unis ont détruit le Traité INF, le Pentagone a ouvertement développé de nombreuses armes d’attaque terrestres, y compris des missiles balistiques capables d’atteindre des cibles à une distance allant jusqu’à 5 500 km. S’ils sont déployés en Ukraine, ces systèmes pourront atteindre des cibles dans toute la partie européenne de la Russie. Le temps de vol des missiles de croisière Tomahawk vers Moscou sera inférieur à 35 minutes ; les missiles balistiques depuis Kharkov prendront sept à huit minutes ; et les armes d’assaut hypersoniques, quatre à cinq minutes. C’est comme un couteau sur la gorge. Je ne doute pas qu’ils espèrent réaliser ces plans, comme ils l’ont fait à maintes reprises dans le passé, en élargissant l’OTAN vers l’Est, en déplaçant leur infrastructure militaire aux frontières russes et en ignorant totalement nos préoccupations, nos protestations et nos avertissements. Excusez-moi, mais ils ne se souciaient tout simplement pas du tout de telles choses et faisaient tout ce qu’ils jugeaient nécessaire.

Bien sûr, ils vont se comporter de la même manière à l’avenir, selon un proverbe bien connu : « Les chiens aboient mais la caravane passe ». Permettez-moi de le dire tout de suite : nous n’acceptons pas ce comportement et ne l’accepterons jamais. Cela dit, la Russie a toujours prôné la résolution des problèmes les plus compliqués par des moyens politiques et diplomatiques, à la table des négociations.

Nous sommes bien conscients de notre énorme responsabilité en matière de stabilité régionale et mondiale. En 2008, la Russie a lancé une initiative visant à conclure un Traité de sécurité européen en vertu duquel aucun État ou organisation internationale euro-atlantique ne pourrait renforcer sa sécurité au détriment de la sécurité des autres. Cependant, notre proposition a été rejetée d’emblée sous prétexte que la Russie ne devrait pas être autorisée à imposer des limites aux activités de l’OTAN.

De plus, il nous a été clairement indiqué que seuls les membres de l’OTAN peuvent avoir des garanties de sécurité juridiquement contraignantes.

En décembre dernier, nous avons remis à nos partenaires occidentaux un projet de traité entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique sur les garanties de sécurité, ainsi qu’un projet d’accord sur des mesures visant à assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des États membres de l’OTAN.

Les États-Unis et l’OTAN ont répondu par des déclarations générales. Il y avait aussi des noyaux de rationalité en eux, mais ils concernaient des questions d’importance secondaire et tout cela ressemblait à une tentative de faire traîner la question et d’égarer la discussion.

Nous y avons répondu en conséquence et avons indiqué que nous étions prêts à suivre la voie des négociations, à condition toutefois que toutes les questions soient considérées comme un paquet comprenant les propositions de base de la Russie qui contiennent trois points clés. Premièrement, pour empêcher une nouvelle expansion de l’OTAN. Deuxièmement, faire en sorte que l’Alliance s’abstienne de déployer des systèmes d’armes d’assaut aux frontières russes. Et enfin, ramener la capacité et l’infrastructure militaires du bloc en Europe là où elles étaient en 1997, lorsque l’Acte fondateur OTAN-Russie a été signé.

Ces propositions de principe qui sont les nôtres ont été ignorées. Pour rappel, nos partenaires occidentaux ont une fois de plus vocalisé les formules trop familières selon lesquelles chaque État est en droit de choisir librement les moyens d’assurer sa sécurité ou de rejoindre une union ou une alliance militaire. Autrement dit, rien n’a changé dans leur position, et nous continuons d’entendre les mêmes vieilles références à la politique notoire de la « porte ouverte » de l’OTAN. De plus, ils essaient à nouveau de nous faire chanter et nous menacent de sanctions, qu’ils introduiront d’ailleurs quoi qu’il arrive alors que la Russie continue de renforcer sa souveraineté et ses forces armées. Il est certain qu’ils n’hésiteront jamais à trouver ou simplement à fabriquer un prétexte pour une nouvelle attaque de sanctions, quels que soient les développements en Ukraine. Leur seul et unique objectif est de freiner le développement de la Russie. Et ils continueront à le faire, comme ils le faisaient auparavant, même sans aucun prétexte formel, simplement parce que nous existons et ne compromettrons jamais notre souveraineté, nos intérêts nationaux ou nos valeurs.

Je voudrais être clair et direct: dans les circonstances actuelles, alors que nos propositions pour un dialogue égal sur des questions fondamentales sont en fait restées sans réponse de la part des États-Unis et de l’OTAN, alors que le niveau des menaces contre notre pays a considérablement augmenté, la Russie a tout droit de répondre pour assurer sa sécurité. C’est exactement ce que nous allons faire.

En ce qui concerne la situation dans le Donbass, nous constatons que les élites dirigeantes de Kiev ne cessent de manifester publiquement leur refus de se conformer au paquet de mesures de Minsk pour régler le conflit et ne sont pas intéressées par un règlement pacifique. Au contraire, elles tentent d’orchestrer une guerre-éclair dans le Donbass comme ce fut le cas en 2014 et 2015. Nous savons tous comment ces stratagèmes téméraires se sont terminés.

Pas un seul jour ne se passe sans que les communautés du Donbass ne subissent des bombardements. La grande force militaire récemment formée utilise des drones d’attaque, des équipements lourds, des missiles, de l’artillerie et des lance-roquettes multiples. Le massacre de civils, le blocus, la maltraitance des personnes, y compris des enfants, des femmes et des personnes âgées, se poursuivent sans relâche. Comme nous le disons, il n’y a pas de fin en vue à cela.

Pendant ce temps, le monde dit civilisé, dont nos collègues occidentaux se sont proclamés les seuls représentants, préfère ne pas voir cela, comme si cette horreur et ce génocide, auxquels sont confrontés près de 4 millions de personnes, n’existaient pas. Mais ils existent et uniquement parce que ces personnes n’étaient pas d’accord avec le coup d’État soutenu par l’Occident en Ukraine en 2014 et se sont opposées à la transition vers l’homme de Néandertal, le nationalisme agressif et le néonazisme qui ont été élevés en Ukraine au rang de politique nationale. Ils se battent pour leur droit élémentaire de vivre sur leur propre terre, de parler leur propre langue et de préserver leur culture et leurs traditions.

Combien de temps cette tragédie peut-elle durer ? Combien de temps encore peut-on supporter cela ? La Russie a tout fait pour préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Toutes ces années, elle a fait pression avec persévérance et patience pour la mise en œuvre de la résolution 2202 du Conseil de sécurité de l’ONU du 17 février 2015, qui a consolidé le paquet de mesures de Minsk du 12 février 2015, pour régler la situation dans le Donbass.

Tout était en vain. Les présidents et les députés du Rada vont et viennent, mais au fond le régime agressif et nationaliste qui a pris le pouvoir à Kiev reste inchangé. C’est entièrement un produit du coup d’État de 2014, et ceux qui se sont alors engagés sur la voie de la violence, de l’effusion de sang et de l’anarchie n’ont reconnu alors et ne reconnaissent aujourd’hui aucune solution à la question du Donbass autre que militaire.

À cet égard, j’estime qu’il est nécessaire de prendre une décision attendue depuis longtemps et de reconnaître immédiatement l’indépendance et la souveraineté de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk.

Je demande à l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie de soutenir cette décision et de ratifier ensuite le traité d’amitié et d’assistance mutuelle avec les deux républiques. Ces deux documents seront préparés et signés prochainement.

Nous voulons que ceux qui ont pris et continuent de détenir le pouvoir à Kiev cessent immédiatement les hostilités. Sinon, la responsabilité de la poursuite éventuelle de l’effusion de sang reposera entièrement sur la conscience du régime au pouvoir en Ukraine.

Alors que j’annonce les décisions prises aujourd’hui, je reste confiant dans le soutien des citoyens russes et des forces patriotiques du pays.

Merci.

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