Récit de l’affaire Sayed Hasan (pseudonyme) / Mission laïque française & Services de l’Ambassade de France au Caire
Les faits évoqués ci-dessous sont attestés par des documents et témoignages multiples et explicites, dont des notes de fin fournissent des extraits. Les noms marqués d’une astérisque (*) ont été modifiés.

Ce dossier est actuellement instruit aux Prud’hommes et auprès du Défenseur des Droits. 

Voir également : 

 
 
 
Mission laïque française : slogans et réalité 
 
[M*** : Terme supprimé suite à une décision de justice]
 
 
Introduction
 
Je suis professeur de Français, âgé de 28 ans et Titulaire de l’Education Nationale. Durant l’année scolaire 2012-2013, j’ai été recruté à Paris pour un poste dans un établissement du réseau de la Mission laïque française en Egypte, la section française de la MISR Language Schools. Située au Caire, elle est conventionnée par le ministère des Affaires étrangères et homologuée par le ministère de l’Education nationale. Mon employeur était la Mission laïque française, comme cela est spécifié dans ses statuts, sa Charteet le contrat de travail[1]. Le Proviseur était M. Frédéric TUMPICH, et il occupe toujours son poste à ce jour. La direction égyptienne générale de cet établissement comportant cinq sectionsétait menée par Mme Nermine NADA.
 

Dès ma prise de fonctions, j’ai constaté que de graves manquements de la direction de l’établissement mettaient en danger la sécurité des personnels et le bien-être de tous, causant divers incidents. En effet, comme en attestent de nombreux documents, rapports et témoignages de personnels enseignants, parents, élèves et de la direction[2], cet établissement présentait de graves problèmes au niveau de la discipline et même de la sécurité des élèves et personnels. L’atmosphère était notamment caractérisée par un manque de respect envers les professeurs et le rejet de leur autorité de la part des élèves et personnels égyptiens d’éducation, un chaos endémique empêchant la tenue des cours[3], le refus des élèves d’assister aux cours[4], l’annulation par le Proviseur français des punitions données aux élèves par les enseignants[5], etc. A tout cela s’ajoutait le lynchage en règle des personnels français et égyptiens par l’administration et les parents, qui les tenaient pour les seuls responsables de ces dysfonctionnements, alors que ceux-ci incombaient à la direction de l’établissement, et que les enseignants comptaient parmi les principales victimes de cette situation[6]. Les personnels français et égyptiens étaient tenus en respect, avec une redoutable efficacité, par diverses pressions (accusations d’incompétence, déni, menaces d’exclusion…[7]), ce malgré des agressions verbales et intimidations physiques de la part des élèves contre certains professeurs[8]. Tout cela a même entraîné une agression physique de lycéens à l’encontre d’un collègue Titulaire de l’Education nationale proche de la retraite (François* E., professeur de Physique), ce qui l’a notamment amené à exercer son droit de retrait durant une semaine, sa sécurité ne pouvant être assurée. Ces agissements étaient absolument impunis et même couverts, étouffés, et, de fait, encouragés par le laxisme de l’administration. Pour celle-ci, « le client est roi », tandis que les personnels enseignants, quantité négligeable et éminemment amovibles, ne sont là que pour être livrés en pâture[9] aux élèves qui paient des droits d’inscription faramineux et peuvent donc se comporter comme les propriétaires de l’établissement[10]. Les personnels qui essayaient d’agir étaient menacés, discrédités, et, dans mon cas, exclus, violentés et calomniés. La vie même des élèves était mise en danger par des installations électriques défectueuses dans les laboratoires. Ces installations avaient pourtant fait l’objet de plaintes publiques de la part de François* E. et de Farid* Y., professeur de Mathématiques-physique également Titulaire[11].

 


Je m’étais employé à pallier certains de ces dysfonctionnements, en accord avec mon supérieur hiérarchique, Frédéric TUMPICH, ce qui m’a amené à m’opposer directement à la direction égyptienne, qui prenait toujours fait et cause pour les élèves les plus turbulents. Celle-ci a alors voulu se débarrasser de moi. Car bien que les statuts des personnels (et les engagements contractés avec les parents, qui inscrivent leurs enfants dans une école dont on leur garantit que la gestion est purement française) prévoient que la section française soit gérée indépendamment, par la seule direction française[12], il s’est avéré que la direction égyptienne impose toutes ses décisions dans les faits. Le Proviseur français a un rôle purement fantoche et se soumet aux intimations coercitives de personnels subalternes égyptiens[13]. J’ai donc fini par être exclu le 28 mars 2013 de manière violente et illégale (sans notification écrite, manu militari et par un simple fait accompli), battu par huit vigiles sous les yeux de mes élèves de 6e traumatisés et en pleurs, tout cela pour un prétexte spécieux : une altercation avec un collègue, Samuel METAUX, qui avait eu lieu la veille, en dehors de l’établissement. Pourtant, des témoignages de professeurs, de parents et d’élèves ont établi que Samuel METAUX me harcelait de longue date au sein même de l’établissement. Pour l’incident du 27 mars même, les témoignages directs de trois enseignants et l’aveu du proviseur, Frédéric TUMPICH (dès le 29 mars 2013, en présence de Farid* Y., représentant élu des personnels), concordent pour établir que Samuel METAUX m’avait agressé verbalement et physiquement, et que je n’ai fait que me défendre. Frédéric TUMPICH n’en a pas moins soutenu, en toute connaissance de cause, une version des faits mensongère, notamment dans ses courriels adressés aux parents, afin de justifier la décision de la direction égyptienne en lui donnant une teinte française et de me discréditer.
 
Je me suis efforcé de faire respecter mes droits, et face à ma résistance et du fait de l’intervention de parents d’élèves, l’administration de l’établissement a ensuite rétroactivement « justifié » cette exclusion par d’autres accusations calomnieuses qui ne m’ont jamais été notifiées par écrit (pas plus que mon exclusion définitive et ses raisons alléguées). J’ai en effet été accusé d’agressions verbales et même physiques contre des élèves, et une plainte judiciaire en ce sens a été déposée contre moi pour me neutraliser et me décourager. Ces accusations fallacieuses ont entraîné mon arrestation violente par la police, mon placement dans une cellule de 1 mètre carré, puis mon déferrement au Parquet. La justice égyptienne a rapidement débouté la MISR Language Schools de toutes les accusations portées contre moi, notamment grâce à nombre de témoignages de parents et d’élèves et, dans une moindre mesure, de personnels.
 
Tout au long de l’affaire, l’administration n’a pas hésité à recourir à des menaces et à des brutalités psychologiques contre les élèves en leur interdisant de me parler, et en s’évertuant à les persuader que j’étais un véritable danger pour eux malgré les faits avérés, et le grand attachement de mes élèves pour moi. La directrice égyptienne, Mme Nermine NADA, et le Proviseur français, Frédéric TUMPICH, ont personnellement colporté ces calomnies et exercé les pressions et menaces. Celles-ci m’ont en particulier été rapportées par mes élèves et leurs parents, indignés – les plus jeunes, âgés de 11 ans à peine, étaient en pleurs[14]. Des menaces similaires ont également été exercées contre les personnels, afin de les dissuader de m’apporter de l’aide et même de me saluer, et j’ai été au désespoir de constater que mes collègues et concitoyens faisaient preuve de bien moins de solidarité à mon égard que les parents et même les élèves. La plupart des enseignants ont fini par complètement m’ignorer et m’abandonner, alors qu’une simple grève aurait très vraisemblablement suffi à résoudre le problème. Sans doute se sentaient-ils plus vulnérables, se trouvant dans un pays étranger ayant une langue et une culture différentes, et étaient-ils dissuadés de toute intervention par l’exemple de la violence qui m’était infligée.
 
J’ai essayé autant que possible de régler cette affaire par la négociation et sans tapage, transmettant ma version des faits abondamment documentée à la direction de l’établissement et de la MLF et aux instances françaises, et en leur faisant savoir, directement et par le biais de mes avocats, que j’étais disposé à un règlement à l’amiable, à condition qu’il fût honorable et respectueux des lois. J’avais refusé, dans un premier temps, le paiement de l’intégralité de mes salaires à venir jusqu’à la fin de l’année scolaire contre mon départ et mon silence (une proposition de Frédéric TUMPICH suite aux premiers échanges avec la direction de la MLF), parce que cela se serait fait par-dessous la table et aux dépens de ma réputation salie par leurs diffamations, ce que je ne pouvais envisager en aucun cas. D’autant plus que ces salaires m’étaient de toute façon dus contractuellement, et le restent jusqu’à ce jour, le contrat n’ayant jamais été légalement rompu – le mois de mars même, travaillé, ne m’a toujours pas été payé. En vue d’un règlement à l’amiable, j’ai sollicité l’intervention de plusieurs élus, instances et personnalités médiatiques et intellectuelles, notamment les députés et sénateurs des Français de l’étranger, qui sont généreusement intervenus. Les instances ministérielles sollicitées (Education Nationale, Affaires Etrangères, ministres déléguées chargées des Français de l’étranger et de la Francophonie) n’ont pas donné suite à mes demandes d’assistance. J’ai sans cesse sollicité l’intervention de la Mission laïque française à Paris, mon employeur selon les textes (cf. note n° 1), chargé de la gestion des établissements de son réseau. Mais elle n’a jamais donné aucune suite à mes sollicitations par courriel et par courrier recommandé. De son côté, la direction de mon établissement a accepté le principe de la négociation, avant de le rejeter au dernier moment : il ne s’agissait, de sa part, que d’une manœuvre dilatoire visant à se rapprocher de la fin de l’année scolaire et à épuiser mes ressources et ma volonté.
Siège de la MLF à Paris, 9 rue Humbolt (75015)
 
Contre toute attente, et au mépris des faits avérés et des lois et accords en vigueur, la direction de la Mission laïque française et les services de l’Ambassade de France, sont intervenus, mais de manière partiale et aux côtés de la direction de mon établissement. Ils ont agi de concert contre moi, en toute connaissance de cause, dès le premier jour et jusqu’au bout, de la manière qui sera détaillée dans les 4e e 5esections. Dès le 31 mars 2013, dans un courriel adressé aux parents d’élèves, Frédéric TUMPICH affirmait qu’une intervention de l’Ambassade de France avait été sollicitée et que celle-ci s’était prononcée en faveur de mon exclusion illégale (« C’est pourquoi Mme Nermine NADA et l’Ambassade de France ont conjointement décidé, pour la sécurité de vos enfants [sic], d’interdire à M. S. l’accès de l’établissement. »). Frédéric TUMPICH fut pleinement soutenu par la Mission laïque française, mon employeur : bien qu’elle ait reçu ma version des faits ainsi que les nombreux documents et témoignages collectés – qui ont rapidement conduit la justice égyptienne à m’innocenter de toutes les accusations portées contre moi –, la MLF a poursuivi son œuvre, continuant à relayer en toute connaissance de cause les accusations calomnieuses portées à mon encontre. Dans deux lettres adressées respectivement à M. Alain MARSAUD, député des Français établis hors de France, et à Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, sénatrice des Français établis hors de France, intervenus à ma demande, Jean-Christophe DEBERRE, Directeur général de la Mission laïque française, ainsi que Yves AUBIN DE LA MESSUZIERE, Président de la Mission laïque française, ont soutenu des allégations qu’ils savaient calomnieuses. Ils ont même surenchéri sur les imputations diffamatoires de MISR en prétendant que « la sécurité de la communauté éducative ne permet pas la réintégration de M. L. », ce le 25 avril 2013, près d’un mois après que les pièces qui m’ont innocenté devant la justice égyptienne leur aient été transmises. Cette position a encore été confirmée le 5 juin 2013, après que mon établissement ait été débouté par le Parquet de toutes ses plaintes contre moi, le Président de la MLF soutenant malgré ce développement considérable que « l’on peut craindre que rien n’ait depuis contribué à modifier ce point de vue ». Ces éléments seront rapportés en détail dans la 4e section, en soulignant les contradictions manifestes que ces deux courriers présentent entre eux, avec les statuts de la MLF et avec les faits avérés et alors connus de tous. Les services du Consulat de France ont procédé de même, et des menaces d’enlèvement et de mise au ban proférées à mon encontre par Paul PETIT (Attaché de Coopération Educative représentant le Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France) dès le 28 mars 2013, le jour de mon exclusion, devant mon établissement, ont été partiellement mises à exécution, alors qu’elles auraient pu me coûter mon intégrité physique et mentale, voire ma vie. Un enseignant français, Eric Lang, était mort dans un commissariat du Caire dans des conditions suspectes à ce moment-là, et des proches informés de mon affaire et des violences que j’avais subies entre les mains de la police ont cru que c’était moi, son identité n’ayant pas été révélée immédiatement, et cela aurait bien pu être le cas. En effet, du fait des mesures qui ont été prises contre moi par les services diplomatiques, j’ai été contraint de vivre en Egypte plusieurs mois sans ressources (de fin mars à la mi-septembre 2013), exposé à de grands risques et dans un grand dénuement, recherchant vainement un autre emploi, sans savoir que j’étais soumis à un véritable ostracisme, si bien qu’il m’était impossible de retrouver un poste. Je n’en ai eu la preuve que tardivement, comme nous le verrons. A partir de juillet 2013, je n’avais souvent plus même de quoi m’acheter de l’eau, dormant à même le sol dans un appartement complètement vide, alors que des événements sanglants avaient lieu en Egypte. J’étais donc à la merci de quiconque. Il m’a fallu des mois pour commencer à me remettre de tous les sévices, pressions et harcèlements subis, et j’aurais très bien pu ne jamais m’en relever.
 
 
Mon avocat d’alors, après analyse des pièces du dossier, dénonça « une institution qui a utilisé les procédés les plus déloyaux pour [me] mettre en cause avec des accusations graves [par] l’instrumentalisation d’informations [qu’elle] savait mensongères dès l’origine. Cette attitude est d’autant plus critiquable qu’elle s’inscrit dans un contexte inspiré par la discrimination. […] Les pièces du dossier que vous m’avez transmises sont tout à fait claires pour établir deux points : 1/ l’agression est le fait de Monsieur Samuel METAUX ; 2/ cette agression, qui était déplorable mais au final assez minable, a pris une ampleur toute particulière compte tenu de l’attitude de l’employeur, et des autorités diplomatiques qui ont agi sans réflexion préalable suffisante. Les deux éléments se conjuguent pour démontrer qu’il existe autour de cet établissement une véritable culture de l’impunité et que l’agression, comme l’attitude de l’administration, repose sur la conviction que vous alliez être broyé par la machine, préférant vite quitter l’Egypte en demandant votre compte. […] Il est assez remarquable, alors que vous étiez pris par le feu des événements, d’avoir pu constituer ce dossier et d’avoir pris le temps d’écrire et de prendre à témoin, réunissant ainsi d’importants éléments de vraisemblance, et surtout amenant la partie adverse à réagir. […] Le mail adressé par Monsieur TUMPICH le 31 mars 2013 vous décriva[i]t comme quelqu’un de violent, à tel point que la seule solution était de vous écarter de l’établissement. Vous êtes décrit auprès des parents comme une sorte de semi-sauvage, incontrôlable. Or nous savons qu’à ce stade, Monsieur TUMPICH était parfaitement informé que l’agression n’était pas de votre fait ; […] c’est donc à dessein, dans le but de [vous] casser et de vous obliger à quitter votre poste et l’Egypte qu’il a choisi de prendre à partie les parents. [Quant à la direction de la Mission laïque française], avec son autorité, [elle] se permet d’écrire à un Député en accréditant une version des faits qu’[elle] sait entièrement fausse, et qui vous présente comme un individu dangereux et infréquentable. […] Il a fallu toute votre vigilance et votre courage pour inverser la manœuvre. »
 
Ces faits sont, à mon sens, très préjudiciables à la France, à son image et aux ressortissants français à l’étranger. Ceux-ci devraient être protégés de tels agissements, surtout lorsqu’ils sont recrutés en France pour travailler pour une institution française (la MLF), sous la tutelle de deux ministères, et sont ensuite complètement abandonnés et, plus encore, accablés par les instances qui sont censées les protéger. Bien plus, les enfants qui sont placés dans ces établissements par leurs parents, confiants dans la réputation d’excellence de la France, sont à mon sens les principales victimes de cette situation. Leur potentiel est dilapidé par les conditions extrêmes qui règnent dans ces établissements de la Mission laïque française. Cette situation ne permet nullement la transmission d’une instruction et d’une éducation décentes à des enfants qui sont, de par leur statut social, l’avenir de leurs Nations, qui est par conséquent compromis.
 
Ayant établi que « Cet établissement joue sur l’impunité en pensant que s’il existe un litige avec un salarié, il sera traité par la juridiction égyptienne, et avec une efficience toute relative et un impact très réduit en France », mon avocat préconisa alors la conduite d’une action « pour fragiliser tout ce système qui, ignorant la loi, fonctionne finalement comme un système mafieux, au sens opaque et privilégiant des intérêts particuliers ». Cette action, je suis déterminé à la mener.
 
Les marchands de soupe / Carpetbaggersde la Mission laïque française
 
1 – Un établissement particulièrement difficile 
 
La Charte de la MLF stipule que « La Mission laïque française accueille et réunit dans son réseau d’établissements des enfants de toutes origines et de toutes cultures. Au-delà de la réussite scolaire et de l’épanouissement individuel des élèves, elle [la MLF] cherche à développer chez eux l’exercice du libre jugement, le respect de l’autre, la compréhension des héritages de l’histoire, l’ouverture au monde dans sa diversité grâce à la maîtrise de plusieurs langues. Elle les initie à l’usage des droits et des devoirs de la citoyenneté. » Malgré ces déclarations éthérées et le fait que la MISR Language Schools ait la réputation d’être parmi les meilleures écoles d’Egypte, la réalité est très différente, comme nous l’avons déjà entrevu ci-haut.
 
Mon recrutement même, depuis Paris, début novembre 2012, faisait suite au départ précipité d’une enseignante française (Myriam* H.) qui avait 12 ans d’expérience en France (en région parisienne), d’excellents états de service, mais n’avait pu tenir dans les conditions de chaos et d’impunité qui régnaient dans l’établissement égyptien[15]. Il y a eu au moins trois démissions – pour ne pas dire « désertions », parfaitement justifiées au vu des conditions de travail régnant à MISR – au total durant l’année scolaire[16]. Et malgré le fait que, de l’aveu même du Proviseur français, Frédéric TUMPICH, j’avais intégré mon poste dans des conditions particulièrement difficiles[17], il n’avait pas moins envisagé explicitement de me renvoyer purement et simplement, quelques jours seulement après m’avoir fait venir de France pour ce premier poste, au prétexte que j’avais du mal à gérer cette situation exceptionnellement chaotique[18]. Il a pour ce faire froidement invoqué la période d’essai de trois mois pendant laquelle tout enseignant peut être renvoyé sans préavis, selon les termes draconiens et non réciproques du contrat, sans autre forme de procès. Par la suite, quand j’ai réussi à reprendre mes classes en main, Frédéric TUMPICH m’a exprimé (le dernier jour avant les vacances de Noël) ses vives félicitations pour ce succès spectaculaire[19], et il s’est excusé de m’avoir « jeté dans la gueule du loup » sans préavis. Durant ces vacances, une collègue Titulaire de l’Education Nationale, Sylvie* F., qui se trouvait en France en congé maladie, enceinte, et au chevet de son compagnon très gravement malade, a été, illégalement et de manière ignoble, poussée à la démission par Frédéric TUMPICH – une infamie qu’il a réitérée cette année même, en 2015, avec une autre collègue Titulaire et enceinte simplement car elle avait besoin d’un emploi du temps aménagé. A la suite d’une plainte de Sylvie* F. auprès de ses autorités de tutelle, il a dû se rétracter, et il a ensuite affirmé avoir été contraint de céder aux pressions de l’administration égyptienne[20].
 
Tous ces éléments montrent que les personnels enseignants français, recrutés en France et invités à travailler dans un établissement français sous tutelle française, dont tous les documents sont à en-tête de la MLF, et dont la Charteprécise qu’elle est leur seul employeur (« Sous   l’autorité   du   chef   d’établissement   ou   du directeur de leur école, ils agiront dans le respect des textes officiels, des orientations et des directives : du ministère de l’éducation nationale ; du ministère des Affaires étrangères ; de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ; de la Mission laïque française  qui est leur employeur et à laquelle ils rendent compte de leur action. »), sont en réalité traités comme du rebut, livrés pieds et poings liés aux caprices des élèves et au joug de la direction égyptienne et abandonnés à leur sort, sacrifiés sur l’autel du lucre, voire du néo-colonialisme[21].
 
 
MISR Language Schools, « un vrai roman » déjà évoqué en 2008 dans le bulletin n° 88 du syndicat enseignant SGEN-CFDT qui dénonçait notamment « un turn-over excessif des personnels titulaires détachés dans cet établissement. (…) Les personnels ont travaillé des mois après la rentrée scolaire sans contrat car ‘ceux-ci étaient en cours de négociation’ avec la direction égyptienne. Le problème, c’est que les personnels ne savaient pas au juste ce qui faisait l’objet de négociation… L’équipe enseignante du premier degré, soit une quinzaine de personnes dont huit recrutés locaux en situation assez précaire, est en outre à la merci de la direction égyptienne (…). La charge de travail des enseignants est si importante qu’ils ont le sentiment de porter l’école à eux seuls. (…) Tous ces éléments pèsent. Et puis, les collègues n’ont plus les mêmes horaires, le climat général se détériore et l’ambiance dans l’équipe n’est plus au beau fixe. A Misr Language school, c’est pas la vie en rose tous les jours…[22] » Mais malgré ce rapport éloquent, cette situation ne s’est pas améliorée le moins du monde, bien au contraire.
 
Après être parvenu, en déployant les plus grands efforts, à instaurer une ambiance de respect et de travail dans mes classes, je me suis employé à assister François* E., un de mes collègues en difficulté qui faisait face à un véritable harcèlement de la part de lycéens. Avec l’aval du proviseur de la section française, Frédéric TUMPICH, je m’efforçais de contribuer à la résolution de certains des problèmes de cet établissement. J’espérais protéger les élèves et les enseignants, et créer les conditions qui nous permettraient de réaliser notre vocation de pédagogues et de dispenser un savoir de niveau acceptable en termes d’instruction et d’éducation[23]. J’assistais donc François* E. en me tenant à ses côtés durant ses cours avec les lycéens, le dimanche matin, mon jour de repos, et cela à titre bénévole[24]. Malgré ma venue toute récente, et le fait que j’étais alors un débutant, ma jeunesse et ma connaissance intime de la langue et de la culture arabe facilitaient mes relations avec les élèves, comme mon succès inespéré avec mes propres élèves l’avait démontré à tous. Mais ces interventions aux côtés de François* E. m’ont souvent fait entrer en confrontation directe avec la direction égyptienne de l’établissement, qui donnait la préséance aux élèves sur les personnels enseignants, et tolérait depuis le début de l’année qu’ils arrivent aux cours avec une demi-heure de retard, puis qu’ils n’y assistent pas en ma présence[25], ce que j’ai dénoncé avec vigueur. Frédéric TUMPICH m’a explicitement dit à plusieurs reprises que je figurais sur la liste noire de l’administration égyptienne[26], malgré (ou plutôt du fait de) mon investissement et mes succès avec mes propres élèves, les élèves de mes collègues et les collègues eux-mêmes. Ces actions m’avaient valu, de la part de Frédéric TUMPICH, une proposition de poste de CPE (Conseiller Principal d’Education, fonction alors dévolue à des personnels égyptiens) pour l’année scolaire suivante, et même l’organisation d’interventions en primaire avec la directrice de cette section, Marie-Paule M., qui envisageait de son côté de m’y recruter pour l’année scolaire 2013-2014. Frédéric TUMPICH m’a également invité à « consolider » ma situation auprès des parents d’élèves, et à mettre en avant auprès d’eux mes initiatives et succès, pour pouvoir me protéger face à la direction égyptienne, qui ne souhaitait pas renouveler mon contrat et avait résolu d’attribuer mon poste de professeur de Lettres à Samuel METAUX, Professeur de Philosophie (auto)proclamé (sic), pour la rentrée suivante[27]. Autant d’indices éloquents de l’impuissance de la direction française face à Nermine NADA : sur le papier, Frédéric TUMPICH est le seul responsable de la gestion et des recrutements, alors que, dans les faits, il n’est pas même consulté.
 
C’est donc dans l’objectif de renforcer ma position au sein de l’établissement, et avec le plein soutien de mon supérieur hiérarchique, que j’ai convoqué les parents d’élèves de 6e à une réunion pour le 4 avril 2013, ce qui a entraîné une vive réaction de l’administration égyptienne dès qu’elle l’a appris, le 27 mars. Elle m’a demandé avec préoccupation ce que je comptais dire aux parents, et a essayé de me dissuader de tenir cette réunion en invoquant divers prétextes spécieux. En ce qui concerne François* E., après trois interventions à ses côtés qui ont été couronnées de succès[28], Frédéric TUMPICH a fini par m’interdire d’assister mon collègue, du fait des pressions de l’administration égyptienne qui cédait aux élèves les plus dissipés et, de fait, les encourageait à poursuivre, sinon à escalader leurs actions. Cette interdiction m’a été signifiée par écrit le 17 mars 2013[29]. Je n’avais d’autre choix que d’obtempérer, et ce fut effectivement ma dernière intervention avec François* E. Il ne s’agissait de rien de moins que de mise en danger de l’intégrité d’un enseignant, au vu et au su de tous. Mais les pressions et intimidations étaient telles qu’aucun des autres enseignants n’a osé réagir, malgré un rapport explicite de François* E. appelant à l’aide le 25 mars, deux jours avant son agression, qui se concluait ainsi : « Devant de tels comportements, qui s’ils ne sont pas rapidement stoppés, peuvent aboutir à une situation dangereuse, je vous demande […] de bien vouloir mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire cesser ces agressions et assurer ma protection. Il n’est pas digne d’un établissement scolaire de laisser faire de tels agissements d’élèves.[30] » Le 26 mars 2013, la question de l’action que prendraient les enseignants français si François* E. se faisait agresser physiquement par ses lycéens a été soulevée explicitement par Paul* B., professeur de Sciences Vie & Terre, en présence de trois collègues : Farid* Y. (professeur de Mathématiques-physique), Eric* C. (professeur de Français) et moi-même. Eric* C. a nié le danger, suscitant une réaction indignée de ma part. J’estimais son attitude irresponsable, d’autant plus qu’il était le professeur principal de la classe la plus menaçante[31]. J’ai appelé à une grève si une agression se produisait.
 
De manière prévisible, François* E. a été agressé physiquement le jour suivant, le 27 mars, par un élève de Seconde – Frédéric TUMPICH était alors en France. François* E. a quitté l’établissement et a exercé son droit de retrait durant une semaine entière. Je me suis distingué par ma réaction au sein de mes collègues, dénonçant virulemment l’irresponsabilité des Conseillers Principaux d’Education (CPE) qui prenaient fait et cause pour les élèves. J’ai demandé un rendez-vous avec la directrice égyptienne, Nermine NADA, pour mettre fin à ces incidents. J’ai exprimé publiquement ma solidarité avec mon collègue, et j’ai appelé les personnels français à faire grève. Mais François* E. lui-même m’en a dissuadé, voyant que j’étais le seul qui soit prêt à prendre une telle mesure. Je me suis donc contenté de ne pas faire cours l’après-midi. J’ai emmené mes élèves à l’extérieur des classes, pour évoquer l’incident du matin et désamorcer la situation. En accord avec Sylvie* F. qui avait alors cours avec cette classe, je suis intervenu auprès de la classe de Seconde qui avait agressé François* E., afin de « faire la morale » aux élèves, conformément aux décisions entérinées précédemment par Frédéric TUMPICH[32]. Je leur ai tenu un propos d’une substance similaire à celui que j’avais auparavant tenu à d’autres lycéens en compagnie de François* E.[33] Cependant, l’administration a persisté dans son attitude de déni du problème, et ces événements ont été maquillés dans le compte rendu qu’en a fait Frédéric TUMPICH à son retour. Sa « version officielle » falsifiée reprenait simplement les accusations des élèves, selon lesquelles François* E. était l’agresseur, et passait tout bonnement sous silence une agression d’un enseignant Titulaire proche de la retraite qui l’a amené à exercer son droit de retrait une semaine durant. Peut-être cet enseignement se revendiquant « laïque » a-t-il adopté (et amplifié) le motto chrétien « faute avouée à moitié pardonnée », le « repentir sincère » (sic) manifesté par l’élève agresseur ayant entraîné un effacement pur et simple du fait de toute archive[34].
 
Enfin, je suis aussi entré en conflit avec l’administration égyptienne à cause de plusieurs irrégularités sur mes salaires. Ceux-ci ne m’avaient pas été payés intégralement. Le préjudice s’élevait à plus de 300 euros. D’autres collègues avaient été victimes de procédés similaires,ces écoles étant un commerce sinon crapuleux, du moins juteux et florissant, ayant pour seul critère non pas la qualité de l’enseignement mais la rentabilité, aux antipodes de l’« association à but non lucratif » revendiquée dans la Charte de la MLF[35]. Je m’en suis plaint par écrit, le 24 mars, en exigeant le paiement intégral des sommes dues ainsi que des indemnités compensatrices, du fait des préjudices causés par les mensonges délibérés et avérés de la direction égyptienne. Celle-ci ne m’avait toujours pas ouvert de compte en banque, vraisemblablement pour des raisons fiscales, et a ensuite refusé de me répondre aux sollicitations de mes avocats, confirmant les soupçons d’irrégularités dans les déclarations légales me concernant[36]. J’ai obtenu un rendez-vous avec la direction égyptienne pour la semaine suivante en vue de régler ce contentieux.
 
Ainsi, à la date du 27 mars (la veille de mon exclusion), l’administration de l’établissement avait plusieurs conflits avec moi, dans lesquels ses torts étaient manifestes. Ces différends devaient être réglés dès la semaine suivante :1/ les problèmes de discipline qui, ayant débouché sur l’agression physique de François* E. le jour même, juste après qu’on m’ait interdit de l’assister, me donnaient pleinement raison et démontraient l’incompétence et l’irresponsabilité de la direction ;

2/ la réunion avec les parents que j’avais convoquée pour la semaine suivante, avec l’aval et même à la suite de la recommandation de mon seul supérieur hiérarchique, Frédéric TUMPICH. Cette initiative inquiétait l’administration égyptienne, qui n’avait aucun pouvoir sur moi d’après les statuts. Elle redoutait ce que je pourrais dire aux parents – crainte exacerbée par l’agression contre François* E. Cette réunion aurait renforcé ma position au moment où les contrats pour l’année suivante étaient renouvelés, selon le raisonnement de Frédéric TUMPICH – un calcul sagace et bienveillant ;

3/ l’affaire des retenues avérées sur mes salaires et des falsifications au sujet de mon compte en banque, qui devait être réglée la semaine suivante, lors d’un rendez-vous en présence de Nermine NADA, la directrice égyptienne elle-même – qui ne m’avait jamais reçu jusque-là –, de Frédéric TUMPICH et de Yara YOUSSEF, qui faisait office de secrétaire.

 
Trois excellentes raisons pour eux de se débarrasser de moi au premier prétexte – qu’ils cherchaient déjà depuis plusieurs semaines, selon Frédéric TUMPICH. Un incident extérieur allait leur fournir grossièrement un tel prétexte. La gravité de la situation était telle qu’ils ont cru parer ainsi au pire, à savoir les trois confrontations dangereuses prévues la semaine suivante. De leur point de vue, il était impérieux de me neutraliser et même de me discréditer de manière préventive.
 
Je ne peux pas m’étendre sur le niveau réel de l’instruction dispensée dans ces établissements. Je me contenterai d’attester qu’il est déplorable, que des cours sont dispensés par des enseignants qui n’ont nullement la qualification ou l’expérience requises – cf. l’exemple de Samuel METAUX, prétendu enseignant de Philosophie qui prend en charge des cours de Lettres, sur lequel je reviendrai, ou d’autres enseignants à qui on demande/impose d’enseigner une autre matière que la leur, etc. –, et que les résultats sont falsifiés, afin de complaire aux élèves et par conséquent donner une fausse impression de réussite (cf. cet échantillon explicite signé Samuel METAUX, qui révolutionne littéralement l’arithmétique[37]). Un rapport rédigé à la fin de l’année scolaire 2012-2013 par une collègue Titulaire, Stéphanie* C., dénonçait cette situation : « La plupart des difficultés de mes collègues sont nées à partir des premières notations… Beaucoup de mes collègues des différentes disciplines, notamment les non-titulaires, ont dû faire face à des situations ingérables de prise du pouvoir par les élèves. Le chef d’établissement ne semble pas concerné par la « politique éducative » de l’établissement (qui est pourtant une de ses missions) et ne cherche pas à offrir les meilleures conditions d’apprentissage aux élèves. Il a très vite adopté une politique ‘clientéliste’, devançant même parfois les désirs des parents et concrètement ce sont les parents qui font et défont les contrats des personnels non-titulaires. Les personnels titulaires sont davantage protégés par leur détachement…. jusqu’à la fin de l’année. Un seul collègue titulaire [Eric* C.] a obtenu le renouvellement de son contrat, il faut dire qu’il n’a pas signé la lettre [de protestation] que nous avions écrite au sujet de notre collègue [moi-même] qui se trouvait à la grille et qu’il partageait les mêmes valeurs ‘clientélistes’ que notre chef d’établissement. » Plus encore, des homologations de classes à examen se font sans inspection, et malgré la non-reconduite des enseignants Titulaires dans lesdites matières[38], ce qui avait déjà été dénoncé dans le rapport SGEN-CFDT de 2008 cité précédemment : « Visite de l’inspecteur de zone dans le primaire et constat peu enthousiasmant : il s’en est fallu d’un cheveu que l’établissement ne soit homologué. Motifs invoqués : absence de projet d’école et de cadres dignes du système français. Alors, au boulot ! Mais les personnels y sont déjà et même plus qu’avant ! (…) Ainsi, malgré la réticence de l’inspection à cette évolution (non prise en compte du rythme biologique des enfants et arabisation jugée excessive), élèves et enseignants ont vu leurs horaires de travail s’allonger mais… pas leur salaire ! Le Sgen-CFDT s’étonne, compte tenu de l’actuelle situation, que l’homologation ne fasse pas l’objet d’un cadre plus précis avec obligation d’inclure un volet social car les personnels, et surtout les recrutés locaux, ont la vie dure à Misr. Quant aux titulaires, ils viennent et s’en vont… »
 
J’ai évoqué tous ces problèmes – ainsi que l’ensemble des faits susmentionnés – lors de ma première rencontre (le 28 mars 2013) avec Paul PETIT, du Service culturel de l’ambassade de France, et il n’a manifesté aucune surprise. Au contraire, il a corroboré mes dires et même surenchéri en me disant, je cite, « Vous n’avez pas idée de ce qui se passe à Balzac » – un autre établissement de la Mission laïque française au Caire. Je savais déjà par ailleurs qu’il se passait des choses similaires, et même pires dans les autres établissements français d’Egypte. Comme j’y reviendrai en détail dans la seconde section, Paul PETIT m’a dissuadé de mener toute action en justice par des exhortations qui étaient d’abord bienveillantes en apparence, se sont progressivement faites plus fermes et enfin ouvertement menaçantes face à ma détermination, m’avertissant que si j’essayais de mener une quelconque action qui pouvait porter préjudice à l’image de la France, les services diplomatiques me mettraient de force dans un avion en direction de Paris. Cela n’est rien moins qu’une menace de kidnapping et une violation de la souveraineté égyptienne, contre un ressortissant français qu’on croyait vulnérable et sans défense.
Ambassade de France au Caire 
 
Précisons que dès 1936, le professeur Henri Guillemin, enseignant en Egypte, dénonçait par euphémisme « des ‘élèves’ lecteurs assez moyens, dans un climat où la tricherie aux examens n’était pas exempte [sic] », ce qui correspond tout à fait à ce que j’ai vu et entendu. Henri Guillemin s’étonnait de ce que le Ministre de l’Education Nationale, Jean Zay (artisan du caractère gratuit et obligatoire de l’enseignement secondaire, assassiné en 1944 par la Milice durant l’Occupation), « a[it] été aussi aimable pour les Jésuites que pour l’école laïque ; car il y a la Mission laïque et les Jésuites. Il est allé voir les uns et les autres. Les Jésuites travaillaient à l’influence française, c’est évident, à l’influence de la langue française, d’une manière sérieuse[39] ». Comme je l’ai moi-même constaté, il en va en effet tout autrement pour l’enseignement dispensé par les établissements de la Mission laïque – et il est vrai que des établissements catholiques du Caire comme La Mère de Dieudispensent un enseignement et une instruction qui peuvent faire honneur à la réputation d’excellence de la France, comme j’ai pu en témoigner auprès de personnels et d’élèves particuliers de cet établissement[40].

Stéphanie* C. résume cette situation dans son rapport, auquel je souscris complètement : « Je ne connais pas le droit local mais il y a une telle corruption et les institutions égyptiennes telle la justice sont dans un tel délitement que les employeurs peuvent agir en toute impunité. La MLF (malgré ses beaux discours sur ses valeurs et son éthique) et l’administration française en la personne de l’attaché de coopération culturelle [Paul PETIT], de par leur manque de réaction cautionnent en quelque sorte les agissements de toutes ces écoles homologuées. Cet attaché s’était déplacé à l’école lorsque notre collègue d’origine algérienne s’est vu refuser l’entrée dans l’école, il a gentiment conseillé à notre collègue de renoncer à faire valoir ses droits sous peine de se retrouver dans un avion avec un aller simple. Lorsque notre collègue lui a parlé des nombreux dysfonctionnements de l’école il lui a répondu qu’il était au courant mais que c’était encore pire dans d’autres écoles du Caire comme Balzac… (elles aussi homologuées). En bref, tout le monde sait mais ne dit rien car ‘c’est politique’… c’est le prix à payer de la Francophonie !!! (…) J’étais révoltée lorsque je voyais écrit sur la banderole à l’entrée de l’établissement ‘Lycée français’ alors que de mon point de vue c’est une complète imposture. Je peux certifier qu’aucun cadre de l’éducation nationale française n’est venu dans cet établissement en vue de l’homologation de la terminale durant l’année scolaire 2012 – 2013 et pourtant la terminale a été homologuée. »

 
On comprend donc l’intérêt que pouvaient avoir la direction de la MLF et les autorités diplomatiques à agir contre moi, afin d’étouffer ce qui se passait réellement dans ces établissements en fait d’instruction et d’éducation. Cela est révélateur des liens inavouables qui existence entre les différentes composantes de cette organisation.
 
[A suivre…]
 

[1] Charte des personnels de la MLF : « Sous l’autorité du chef d’établissement ou du directeur de leur école, ils [les enseignants] agiront dans le respect des textes officiels, des orientations et des directives : du ministère de l’éducation nationale ; du ministère des affaires étrangères ; de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ; de la Mission laïque française qui est leur employeur et à laquelle ils rendent compte de leur action. » Cf. également : « Partenaire des ministères français de l’Éducation nationale et des Affaires étrangères, elle [la MLF] a pour objectif ‘de diffuser à travers le monde la langue et la culture françaises par un enseignement de qualité, respectueux de la liberté de conscience et de la diversité culturelle’. À ce titre, elle participe de la politique éducative et culturelle développée par les postes diplomatiques dans le monde. […] La Mission laïque française gère et anime un réseau de 126 établissements scolaires fréquentés par 49 800 élèves. » http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/enjeux-internationaux/cooperation-educative-enseignement/politique-scolaire/article/le-reseau-de-la-mission-laique
[2] Cf. ces échantillons de courriels de Frédéric TUMPICH lui-même, qui évoque « des classes bordélisées ou bruyantes » (19 novembre 2012), et qui reconnaît qu’il est sur le point de craquer dans un courriel à Salima* C., enseignante de Français et d’Histoire-Géographie, Titulaire de l’Education Nationale, plus de vingt ans de services, après qu’elle ait été écrasée sous une armoire durant un cours : « Bonjour la rescapée, Je suis carrément preneur de la masseuse. (…) J’y vais parce que sinon c’est le burn out. » (10 novembre 2012). Cf. encore la note n° 10, et cet extrait d’un rapport de Salima* C. adressé à Frédéric TUMPICH début mars 2013 : « A la mi-janvier, ne supportant plus l’absurdité de ma situation dans ces classes, je vous annonce mon intention de partir. Vous me suppliez de ne pas démissionner. Vous exprimez clairement qu’une seconde démission porterait préjudice à votre carrière. Vous êtes au bord des larmes. Vous me promettez de mettre en place les mesures qui s’imposent… Aucune mesure efficace n’est prise de votre part une fois de plus. Je ne me sens pas épaulée par mon supérieur hiérarchique. Mes collègues ont le même sentiment. »
 
[3] Cf. ce rapport de Salima* C. au Proviseur, Frédéric TUMPICH, datant de mars 2013 : « Dans ces classes, je tente quotidiennement, d’une heure à l’autre, d’instaurer un retour au calme pour faire cours. Et j’y parviens souvent mais à mon détriment. L’effort qu’il faut fournir pour capter leur attention est démesuré. Il faut s’arrêter toutes les dix minutes pour remettre de l’ordre. De plus, à chaque séance, il faut recommencer à zéro. Ces excès de la part des élèves m’épuisent : mon épaule se paralyse et me fait subir de vives souffrances jour et nuit. Je consulte plusieurs médecins tout en continuant de travailler. Finalement, début octobre 2012, un spécialiste estime que je dois impérativement cesser de travailler sous peine de perdre l’usage de mon bras. Et me prescrit un arrêt de travail. Des collègues très expérimentés sont l’objet de divers mouvements d’élèves contestant leur compétence et plusieurs d’entre nous vous demandons de mettre fin à cette agitation. Aucune action de votre part ne se fait jour. »
 
[4] Cf. ce rapport de Myriam* H., la collègue que je remplaçais, daté du 17 octobre 2012 (un mois avant mon arrivée) : « Je rencontre depuis la rentrée de gros problèmes avec la classe de 4ème A qui me freinent considérablement dans ma progression. Mercredi 17, la cloche sonne, les élèves de 4ème A ne semblent pas l’entendre. Ils continuent de chahuter aux abords de la classe et ignorent délibérément ma présence à la porte. A plusieurs reprises je leur demande de se ranger, en vain. Finalement, je parviens à les faire ranger. Ils entrent dans la classe et recommencent de plus belle à chahuter et à se parler les uns aux autres en ignorant totalement ma présence. Je leur demande de se tenir debout à leurs tables avant de s’asseoir, quelques-uns s’exécutent mais les autres continuent de s’agiter et de parler. Je réitère ma consigne et je demande le silence pour faire l’appel. Ils m’ignorent. Je m’adresse en particulier à certains d’entre eux [et leur demande] de respecter le règlement et je leur propose de réviser le contrôle de conjugaison à venir en précisant qu’ils sont tous capables d’obtenir de bonnes notes à ce contrôle. Après quoi, je recommence l’appel, aucun d’entre [eux] ne répond à l’appel de son nom vu le brouhaha. Je hausse le ton en leur exprimant ma déception devant un pareil comportement et leur répète qu’ils sont capables d’obtenir de bons résultats dès lors qu’ils consentiraient à adapter un comportement d’élèves sérieux. Les bavardages continuent de plus belle, certains élèves me tournent le dos en parlant à leurs camarades. Le raffût prend encore plus d’ampleur (cris aigus, éclats de rires, balancement sur les chaises, etc.) quand je leur dis, je cite : ‘Arrêtez ! J’ai l’impression d’être chez les fous !’ Ils devenaient incontrôlables et je me suis sentie démunie face à ce manque total de respect. Le bruit enfla encore, m’humiliant davantage. A bout, je leur annonce que j’en ai assez de ne pas arriver à faire correctement mon travail et que je vais finir par partir. Réaction des élèves en chœur : ‘au revoir Madame’ en riant, en m’imitant et en continuant à se balancer sur leurs chaises ! Sur ce, j’ai en effet quitté la classe pour prévenir Madame Ola. Celle-ci n’étant pas là, Madame Mona s’est précipitée pour me remplacer mais revint quelques minutes plus tard en disant : ‘c’est la catastrophe, il faut prévenir Frédéric.’ »
 
[5] Cf. cet autre rapport de Myriam* H., datée du 11 mars 2013 : « Dès la deuxième semaine, après une semaine de prise de contact avec les élèves, ces derniers ont montré le comportement suivant : – Ils entrent en classe en chahutant. – Je fais l’appel dans le brouhaha. – Ils ne m’écoutent pas, n’obéissent pas et refusent de se calmer malgré mes demandes. – Le cours commence généralement après 10 ou 15 minutes de négociation avec les élèves. – Je suis sans cesse interrompue par des bavardages et des demandes intempestives qui parfois ne concernent pas le cours. – Ils méprisent totalement le règlement intérieur. – Certains élèves vont même jusqu’à se moquer de moi en m’imitant. – Je dois élever la voix pour me faire entendre. – Ils font des comptes-rendus mensongers à leurs parents. – Ils contestent leurs notes et comme je maintenais systématiquement la note attribuée, ils me faisaient une mauvaise réputation auprès d’autres élèves et auprès de leurs familles. – Ils se rendaient ‘dans mon dos’ dans le bureau du proviseur pour me dénigrer et celui-ci annulait mes punitions. Les élèves revenaient en cours, forts de leur victoire et multipliaient les provocations à mon égard. J’ai interpellé Monsieur le proviseur à plusieurs reprises pour lui décrire la situation et tenter de trouver avec lui des solutions. En vain. Après mon départ il a expliqué ma démission aux collègues en disant que je n’étais pas compétente et que j’étais ‘psychologiquement fragile.’ Il savait très bien cependant que j’avais 12 ans d’expérience et d’excellents états de service. Comme je l’ai écrit à Monsieur TUMPICH en Octobre 2012, la situation à Misr Language School me semblait déjà irrécupérable. J’ai ensuite été recrutée par un autre établissement au Caire [La Mère de Dieu] où règne une discipline parfaite grâce à laquelle je peux exercer avec bonheur mon métier d’enseignante. Cette discipline est le fait de la direction de l’établissement qui considère qu’elle est un préalable et une base inégociable pour faire cours et dont elle se porte garante. » Même après le départ de Myriam* H., le Proviseur a continué à prêter une oreille complaisante aux élèves par-devers les enseignants, comme l’atteste ce courriel de Salima* C. au Proviseur Frédéric TUMPICH daté du 13 février : « S***, W***, et A*** [étaient] installés au fond de la classe [et] ont bavardé sans interruption pendant toute la projection. Je leur ai demandé à plusieurs reprises de se taire car ils dérangeaient leurs camarades. Rien n’y fit. Ils ont continué à bavarder. J’ai donc pris la décision de saisir leurs carnets de correspondance et de leur attribuer une fiche de suivi qui est – parfois – le seul moyen de les tempérer un peu quelques jours. Quelle ne fut pas ma surprise, au moment où je quittais l’établissement de découvrir accidentellement ces trois élèves chez le proviseur où ils étaient allés se plaindre d’avoir été ‘fichés’ par moi !! »
 
[6] Cf. par exemple cet extrait d’un courriel que j’ai adressé à mes proches le 23 novembre 2012, quelques jours seulement après mon arrivée, suite à une réunion direction-parents-professeurs et après « briefing » de la part des collègues expérimentés : « C’est un établissement pour la haute de la haute, qui paient une fortune, et qui sont traités comme les clients princiers qu’ils sont. L’établissement entier est donc à leur service, depuis les surveillants et femmes de ménage qu’ils peuvent traiter comme de la m***, jusqu’aux Professeurs et même aux plus hauts degrés de l’administration, CPE, Proviseur, Directrice d’établissement. Imaginez un PROVISEUR qui doit négocier avec les élèves pour obtenir leur carnet de correspondance, et qui reçoit des appels des parents pour telle ou telle sanction mise par un Prof et qu’il va ensuite s’efforcer d’effacer, en appelant le Prof ou directement en supprimant de lui-même la sanction. Les élèves et leurs parents sont les clients, et entre eux et un Prof y a pas à hésiter, j’ai assisté à une réunion parents-profs, c’était hallucinant, les parents remettaient tout sur le dos des Profs (un gars a parlé de la Gestapo, style les Profs sont malveillants et se liguent contre les élèves) et l’administration acquiesçait, disant qu’il y avait des abus et manquements, ct [c’était] les Profs d’une part contre l’administration et les parents d’autre part, vraiment tendu. Ce qui compte c’est que le client soit content, et pour ça tous les moyens sont bons. C[’est] une pression infernale pour t[ou]t le monde, et b[eau]c[ou]p ne parlent que de partir. » Voir encore ce rapport de Salima* C. à Frédéric TUMPICH daté du 31 mars 2013, qui dénonce « des enfants rendus tout-puissants par défaillance du cadre, (…) l’indiscipline compulsive et usante des élèves de l’établissement, leur attitude irrespectueuse à l’égard des règles et des enseignants, leurs versions déformées des faits à leurs parents, et leur impunité » et dénonce l’organisation par Frédéric TUMPICH de cette « réunion des parents d’élèves (…) où les enseignants déjà fortement perturbés par l’agitation constante des jeunes sont appelés à se justifier comme s’ils étaient coupables. Régulièrement, votre gestion sera basée sur la culpabilisation de l’enseignant. Et nous aurons affaire en permanence au double bind : réception d’ordres contradictoires inapplicables. De surcroît, vous êtes l’auteur de nombreux revirements : ce qui est préconisé un jour est abandonné ou renié le lendemain… Pas de vision globale : navigation à vue. On évite un récif in extremis ; on heurte le suivant de plein fouet. »
 
[7] Cf. par exemple ce rapport d’une collègue titulaire, Stéphanie C*, rédigé à la fin de l’année scolaire 2012-2013 : « Liberté pédagogique : Rien d’écrit mais les pressions par le proviseur pour satisfaire les parents (dans notre contrat il est indiqué le mot « clients » et non parents) sont permanentes. Si les parents demandent au proviseur que tel professeur de maths distribue des polycopiés de son cours à ses élèves (qui ne veulent pas prendre de notes), le soir même le collègue reçoit un mail du proviseur lui donnant l’ordre de donner des polycopiés à ses élèves. (…)Une collègue titulaire qui refusait de se laisser dicter sa façon de travailler pour faire plaisir aux parents a été l’objet de harcèlement moral de la part du chef d’établissement. »
 
[8] Cf. ces extraits du témoignage de François* E. portant sur des événements survenus les 14 et 21 mars, daté du 11 mai 2013 : « je me suis fait agresser verbalement par l’élève N***, celui-ci voulant faire rester ses camarades de 1ère-ES dans la salle […] cet élève m’agressa de nouveau verbalement et tenta de m’intimider physiquement le jeudi 21 mars, en présence de Farid* Y., un enseignant du Collège. »
 
[9] Cf. ce courriel adressé au Proviseur le 5 décembre 2012 par Salima* C. : « Mr le Proviseur, Irrécupérable ou pas ?! Je parviens de moins en moins à supporter le comportement des élèves de toutes les classes (excepté mes secondes mais elles semblent faire endurer à d’autres ce qu’elles m’épargent à moi) Aujourd’hui je suis rentrée avec un renouveau de douleur au bras… Rasl’bol. C’est usant, harassant et inintéressant. Si des mesures radicales ne sont pas prises (autres que des animations socio-culturelles bien inefficaces), je jette l’éponge. Ce n’est plus une vie. Je rentre chaque jour chez moi exténuée, et je me couche immédiatement pour dormir systématiquement au moins deux ou trois heures !! Ces élèves sont atteints d’une agitation compulsive et impunie qui rend bien vaine toute stratégie de récupération complaisante. De 8h à 15h, sans compter le trajet, toute la semaine, nous sommes en présence d’un état de fait dont l’absurdité n’a d’égale que sa capacité de détruire. Croyez bien, malgré les apparences, en la cordialité de ce message. »
 
[10] Cf. cet extrait du rapport de Stéphanie* C. au sujet de la place des parents : « Ils payent donc ils peuvent tout exiger… Les élèves égyptiens vivent dans une société où les relations humaines sont bâties sur le modèle ‘dominants/dominés’. Les élèves des écoles homologués de par leur classe sociale sont nés du côté des ‘dominants’ avec tout ce que cela comporte : nombreux domestiques à leur service, argent qui permet de ‘tout’ acheter. A l’échelle de la relation pédagogique on retrouve les mêmes problèmes, face à des enfants ‘rois’ qui ont tendance à se conduire en toute impunité puisque leurs parents payent et l’administration, dont la direction française actuelle (…), exaucent tous leurs vœux. Il faut être très déterminé, montrer qu’on ‘domine’ sa classe, sans compromission (ce qui demande beaucoup d’énergie surtout quand la direction ne nous soutient pas) ou bien se laisser aller à la démagogie. » Frédéric TUMPICH, dans un courriel qu’il m’adressait le 8 novembre 2012, juste après mon recrutement et avant mon départ pour l’Egypte (et qu’il a fait suivre à Salima* C.), corroborait ces faits : « La situation a été très tendue cette semaine (…) Je suis en train d’organiser du soutien, etc… de répondre à une poussée d’énervement en partie justifiée et en partie irrationnelle des parents d’élèves. (…) Et quand ils ont l’impression qu’on les mène nulle part, [les élèves] décrochent et se lancent dans une agitation qui épuise certains de vos collègues. (…) Ne pas élever la voix quand ils se mettent à discuter. Ils réagissent très mal quand on les brutalise. (…) Quand ils sont tentés de prendre la tangente, entrent dans une discussion, commencent à se parler d’un bout à l’autre de la classe, etc… j’ai dit très doucement: ‘Non, nous avons notre programme à faire. C’est plus important. Si. C’est plus important.’ Je ne sais pas si cela marcherait à Sarcelles ou Saint-Denis, mais là, ça marche. Evidemment, l’expérience est faussée car je suis le proviseur. » Remarque de Salima* C. au sujet de cet extrait dans un rapport qu’elle a adressé à Frédéric TUMPICH : « Les élèves sont donc capables d’avoir un comportement scolaire impeccable et de respecter l’enseignant… à condition qu’il soit proviseur ! Vous démontrez ainsi vous-même que votre fonction est décisive aux yeux de nos élèves. Quel message leur parvient-il alors lorsque vous annulez des punitions de l’enseignant ou que vous leur prêter une oreille complaisante alors qu’ils sont sanctionnés par un professeur à cause de leur indiscipline incessante, voire de leur insolence ? »
 
[11] Etaient notamment dénoncés l’absence « [d’]un disjoncteur différentiel [dans] le labo-1 pour pouvoir déconnecter les tables élèves. Cela a pas mal traîné et suite à l’intervention de Farid* en réunion avec des parents cela fut installé […]. J’ai aussi fait déplacer l’ingénieur chargé du suivi des travaux des labos pour lui faire constater que les connexions de fils électriques étaient apparentes et que cela présentait un réel danger pour les élèves, d’autant plus que ces connexions étaient au pied des tables métalliques. Cela n’a jamais était modifié jusque mon départ fin juin. » (François* E.)
 
[12] Cf. Article 1 du Contrat : « [L’employé] reçoit ses instructions du chef d’établissement de la section française. » Il est bien stipulé dans la Charte de la MLF que celle-ci est le seul employeur des enseignants, et qu’ils ne répondent que devant des instances françaises (cf. note n° 1).
 
[13] Cf. ce rapport de Stéphanie* C. qui dénonce « l’attitude du chef d’établissement français dont la connivence avec les investisseurs (carrière oblige) provoque des comportements de soumission de la part des professeurs qui subissent l’insupportable que ce soit de la part des élèves, des familles-clients ou de la direction égyptienne » et « l’impunité d’un chef d’établissement français qui agit en dehors de tout ‘contrôle’ français et qui soumet le personnel à l’arbitraire ». Frédéric TUMPICH, acceptant d’être traité comme un pion de la part de l’administration égyptienne, a lui-même ses propres moments de panique comme nous l’avons déjà vu en note n° 2. La réalité est en effet très éloignée des protestations de transparence de la Charte de la Mission laïque française, dont le point 6 prétend que « La Mission laïque française garantit la qualité du projet éducatif proposé aux familles par ses établissements. Elle veille à la transparence de leurs procédures de gestion et au bon usage des moyens qu’ils recueillent. »
 
[14] Frédéric TUMPICH, dans un courriel du 12 avril 2013 adressé aux personnels, y faisait directement référence avec une remarquable impudence : « Mme Nermine et moi avons aussi été discuter avec les élèves de 6ème pour mettre fin aux rumeurs [c’est-à-dire les répandre, en vain] et avons communiqué avec les parents par écrit puis en recevant une délégation. Le sens de notre message était simple: nous avons rappelé que le recours à la violence physique était inexcusable » [alors que deux des 3 personnes qui avaient effectivement usé de violence, Samuel METAUX, l’agresseur, et sa compagne Mme Isabelle C., qui s’est mêlée à la danse en me mettant un coup de poing auquel je n’ai pas réagi, n’ont nullement été inquiétés et sont encore en poste à ce jour, et j’ai été le seul à être sanctionné, malgré la légitime défense établie sans le moindre doute possible]. Comparer ces allégations à ce message d’une élève de 6e daté du 31 mars 2013, juste après la propagande ignoble de Frédéric TUMPICH et Nermine NADA visant à me faire passer pour un élément dangereux et incontrôlable : « Cher M.Sallah, Ne soyez pas triste. M.Sallah on a tous pleurer quand vous etes exclue par l’ecole,on voulais vous voir mais l’ecole nous as dit que c’etait interdit. Je vous souhaite une bonne chance monsieur. (…) Toute les 6eme vous aime. » ; ou ce témoignage d’une maman d’élève de 6e datant du 12 mai 2013, après que les diffamations à mon encontre aient atteint de nouveaux sommets: « Au sujet du Professeur S., je n’ai entendu que tout le bien possible de la part de mon fils (élève de 6e) et des autres élèves de sa classe et des autres classes et niveaux. Tous attestent fermement de ses bonnes manières dans son comportement avec eux. […] Au début, j’avais l’impression qu’il était exagérément doux avec ses élèves mais il semblerait que cela ait été sa manière de tisser des liens de proximité avec eux. Cette vue est soutenue par le très fort attachement et la grande affection qu’ils éprouvent maintenant pour lui » ; ou encore ce témoignage d’un parent d’élève de 4e daté du 1er mai 2013 : « les vigiles de l’école ont menacé les élèves en leur disant que la Directrice de l’école avait dit que tout élève qui parle avec le Prof. S. aura des problèmes dans l’école. » Nous reviendrons plus en détail sur ces éléments dans la section 3.
 
[15] Selon Frédéric TUMPICH, une forme de discrimination aurait également joué dans le sort qui a été réservé à Myriam* H., eu égard à son origine algérienne. Je résumais ce propos dans un courriel à Frédéric TUMPICH daté du 3 avril 2013 : « Je me souviens de notre première entrevue sur Skype, pendant laquelle vous me parliez du racisme ambiant à MISR, m’avertissant qu’en tant qu’Arabe, ce serait encore plus dur pour moi, et plus encore en tant qu’Algérien, et que du reste cela avait beaucoup joué dans le départ de Myriam*. Vous m’avez averti de ce à quoi j’allais m’exposer, mais vous m’avez présenté ce racisme comme émanant des parents et des élèves. Hors, je vois une expression magistrale de ce racisme dans la décision de l’administration égyptienne d’exclure un Sayed Hasan et de garder un SAMUEL METAUX, avant toute enquête, et malgré toutes les preuves accablantes contre Samuel Métaux qui vous ont été transmises. Et j’ai parlé à de nombreux parents indignés qui ont présenté la chose en ces termes. » Un parent d’élève de 6e s’en indignait effectivement dans un courriel collectif à tous les parents daté du 9 avril 2013 : « si vous creusez dans l’histoire de l’école, vous découvrirez que de tels incidents n’arrivent qu’avec des Français non-purs – c’est une honte… 😦 » Au-delà même de mes différends avec MISR, l’école « vendant » une image française, elle considère en effet qu’un nom « arabe » a une connotation moins positive qu’un nom « français », indépendamment des diplômes & compétences (sans quoi la « petite » affaire Métaux/L. n’aurait pu avoir lieu, comme nous le verrons dans la 2e section), et ce point a ainsi pu s’ajouter à tous les autres contentieux.
 
[16] Ces démissions sont recensées par Salima* C. dans un rapport adressé à Frédéric TUMPICH le 31 mars 2013 : « [L]a démission [de Myriam* H.] fut suivie par le départ du professeur de musique qui fut chahuté à l’extrême par les élèves de 4ème A sous mes yeux et ceux de Madame Sylvie* F., professeur d’anglais. Pas de sanction. (…) Madame Sylvie* F. part en congé maladie. Diverses remplaçantes se succèdent dont l’une prendra la fuite en laissant ses affaires étalées sur une table (…). Madame Christelle* G. démissionne à son tour à la fois pour des raisons administratives : l’établissement ne lui procure pas de visa de travail et fait payer des impôts chaque mois à cette salariée clandestine involontaire qu’on refuse de lui rembourser ; elle démissionne également pour des motifs dus à la situation générale du collège. »
 
[17] Cf. cet échange entre Salima* C. et le Proviseur Frédéric TUMPICH au soir de mon arrivée, le 19 novembre 2012 : Salima* C. « Il a fallu aujourd’hui tenir les 6èmes d’une main de fer (dans un gant de velours…); ils ont été très pénibles : agitation et bavardages permanents. Il faut, à mon avis, protéger rapidement Mr S. qui les aura 8 heures par semaine… Bien cordialement, et bonne soirée. » Réponse de Frédéric TUMPICH : « Oui, mais faire quoi? Maintenant, j’envoie les espèces de zombies qui nous servent de pions dans les classes bordélisées ou bruyantes au lieu de les laisser prendre le soleil dans la cour comme si de rien n’était. Mais ce n’est pas assez. S. a eu les 4A en afterschool. Il était sous le choc…On se voit demain. On montre de la solidarité. Bonne soirée. »
 
[18] Cf. ces extraits de courriels adressés à mes proches les 27 et 28 novembre 2012 : « Paraîtrait (rumeur rumeur) qu’on veut carrément me virer et qu’on attend juste le prétexte. Mais 4 ou 5 collègues ont été dans le même cas. On me conseille d’envoyer un mot au Proviseur pour avoir une trace écrite. Je préfère aller le voir de visu. » « C[’est] vraiment des rats et on est que des pions pour eux. (…) on dispose de moi et on me remplace, ce matin je me plains et le proviseur me rappelle texto que je suis en période d’essai pour 3 mois, style amovible à souhait. » Ce qui était d’autant plus scandaleux que le Proviseur lui-même était à bout, comme en témoigne son affirmation précédemment citée dans son courriel à Salima* C. daté du 8 novembre : « Je suis carrément preneur de la masseuse. (…) J’y vais parce que sinon c’est le burn out. » Commentaire de ladite collègue, en référence à l’accusation de « fragilité psychologique » portée contre Myriam* H. après sa démission : « Si je comprends bien l’anglais « burn out »signifie « craquer ». Les enseignants ne sont donc pas les seuls à être « fragiles. »
 
[19] Cf. note n° 17 et ce message adressé à mes proches après mon premier jour de cours, le 19 novembre 2012 au soir : « Ils m’ont bouffé tout cru. C’était vraiment le cercueil d’énoncer ces règles si strictes dans un établissement miné par les pbs de discipline, où les expérimentés même demandent à partir pour l’an suivant – voire même avant, comme celle que je remplace – wallah les 6e B m’ont tué ils ont applaudi après mes règles, style bravo gars t’y crois. Impossible de les faire taire, ils parlent tous, 80%. Tous les collègues ont ces pbs. » Comparer l’évolution de la situation avec ce témoignage d’une maman de 6e sur ma relation avec mes élèves, daté du 25 mai 2013 : « une relation bienveillante emplie de compréhension, de respect et d’échanges culturels, et c’est pourquoi la discipline régnait et il était soucieux de connaître leurs difficultés et essayait de les aider bénévolement, sans rien demander en échange (…) les élèves le respectaient énormément et il était désireux de les aider ; ils lui en étaient reconnaissants et parlaient de leur affection pour lui aux autres enseignants » ; témoignage d’un parent d’élève de 4e datant du 1er mai 2013 : « leProf. S. est un excellent enseignant en ce qui concerne le savoir et en ce qui concerne sa relation avec les élèves. » ; une autre parent d’élève, le 1er avril 2013 : « Du côté académique, je dois admettre que je n’ai jamais eu à me plaindre de vous et pour être plus précis, vous avez été d’une grande aide pour mon fils. A ma connaissance, vous êtes le seul enseignant à avoir donné son numéro de téléphone aux parents et vous étiez toujours prêt à aider gratuitement, que ce soit durant les heures d’école ou au téléphone après les cours. Vous n’avez jamais refusé votre aide à mon fils sur le plan académique, et vous lui réexpliquiez à sa demande tout point du programme » ; une élève de 6e, le 31 mars 2013: « Cher monsieur, Nous sommes désolé de ce que c’est passé, nous voulons vous salue[r] avant de partir mais on n’avaient pas le droit et on a pleuré beaucoup nous voulons vous dire que vous étiez un trés bien professeur pour nous qui nous a enseigné le francais avec un niveaux élevée merci de tout se que vous a fait pour nous et on ne vous oublieront jamais » ; un élève de 4e, le 30 mars 2013 : « Bonjour M. Saleh, Vous me manquez beaucoup fâché de vot[re] absence vous me manquez plus que vous le croyez, vous êtes le meilleur prof que j’ai eu, j’étais très fâché quand j’ai su que vous n’allez pas nous donner après les vacance. Vraiment monsieur s’pas parceque je vous parle, vous êtes le meilleur prof que j’ai eu, je vous ai beaucoup aimez, je comprenais de vous mieu que n’importe qu’elle prof. Vraiment Monsieur il n’y a aucun prof qui peu vous remplacer est il soit de votre intelligence ou comme vous. (…) excusez mois pour les faute d’autographe dans le message » Nous reviendrons sur cela en 2e section.
 
[20] Rapport qu’en a fait Stéphanie* C. : « Une de nos collègues titulaire enceinte, rentrée en France pour des examens médicaux a été en arrêt maladie début janvier jusqu’au 5 mars 2013. Le Proviseur l’a contactée sur skype et lui a demandé de démissionner car ‘il avait un établissement à gérer’ (et des parents qui avaient trouvé une remplaçante à satisfaire). Il a enrobé ses pressions exercées sur notre collègue en lui disant que la MLF était d’accord et l’aiderait à réintégrer en France. »
 
[21] Cf. cet extrait d’un courriel adressé à mes proches après mes premiers jours, le 20 novembre 2012 : « Hier soir [j’ai] été forcé à sortir par un collègue malgré ma fatigue, soirée privée entre un groupe de 3 profs dont mon hôte, y en a pas un qui aime son boulot, c[’est] le bordel, et ils parlent d’unetelle ou d’untel qui disent aimer ou arriver à les tenir et que ça se passe bien comme des menteurs/hypocrites (sauf en primaire). Le bon temps, c en dehors des cours, en congé, ou exceptionnellement avec telle ou telle classe qui est calme. Ils m’ont dit de surtout pas douter de moi ou me remettre en cause, mais un prof qui tient pas sa classe… Enfin si des vétérans gèrent des élèves qui font même des votes pour les exclure… Mais on est pas là pour travailler. Ce qui est sûr c que mes critères de choix [j’avais été contacté simultanément par MISR et Balzac] étaient faux, le proviseur fait pas son boulot et est critiqué vivement par les collègues, m’a lâché dans les classes sans préavis et me donne des heures de perm imprévues (le collège qui assumait l’intérim voulait plus les voir ces 4e, il me l’a dit franco quand je l’ai vu) alors que je suis fatigué et débutant, et la gestion du personnel est faite pour les élèves, les payeurs – 5000 à 15 000 euros annuels !!!!! – qui se comportent comme les propriétaires de l’école. » Le sort des enseignants égyptiens est pire encore, comme le souligne le rapport de Stéphanie* C. : « Les enseignants égyptiens sont corvéables à merci, contraints de rester toute la journée dans l’établissement, contraints de participer aux activités (le week end de préférence) pour promouvoir l’établissement pour un salaire de misère (la moitié du salaire du 1er échelon de la grille des non-titulaires) ».
 
[22] Consultable en ligne : etranger.sgen-cfdt.org/spip/IMG/pdf/88Printemps2008.pdf, pp. 10-11.
 
[23] Qui continuaient à se dégrader comme le précisent ces comptes rendus de Salima* C. au Proviseur Frédéric TUMPICH : « La situation au collège, et dans certaines classes du lycée, continuent de se détériorer. Les mois de janvier et février 2013 ont été très pénibles. Vous ne parvenez pas à rétablir une quelconque discipline dans l’école. Les enfants ne rencontrent aucune véritable limite. » (13 mars 2013) ; « Les dysfonctionnements de Misr sont tels que je ne suis plus en mesure d’être présente toute la journée dans l’établissement (…) je rentre chaque jour plus fatiguée que la veille comme la plupart de mes collègues du collège. Mes enfants ne me voient quasiment plus si ce n’est dans un état d’épuisement complet. Je suis de plus en plus incapable de jouer mon rôle de mère. » (19 janvier) ; « Je voulais aussi vous dire que l’équipe enseignante est de plus en plus abattue et découragée. » (11 février).
 
[24] De telles mesures d’accompagnement avaient été prévues avant même mon recrutement du fait du chaos qui régnait dans l’établissement et des plaintes des enseignants, comme on peut le lire dans les courriels du Proviseur adressés aux personnels avant ma venue, tel ce courriel du 22 octobre 2013 dont j’ai eu connaissance a posteriori et qui traduit éloquemment le chaos endémique à l’école et le dangereux amateurisme de Frédéric TUMPICH, dont c’était également le premier poste en tant que Proviseur : « Je vous remercie pour votre participation à la réunion d’hier et la franchise de vos interventions. […] Message reçu. Pour rétablir la sérénité en cours, voici les protocoles qui se seront mis en place à la rentrée. Le professeur principal identifie les élèves perturbateurs. […] Il est recommandé d’encourager les élèves qui font des efforts pour s’amender ou lutter contre leur bougeotte, leurs démons. […] Si un élève « replonge », une autre fiche de suivi doit lui être imposée. Dans le cas où une classe entière se comporte mal, les enseignants le signalent au PP, à la Vie scolaire et me le signalent. […] N’oubliez pas : – que le système des retenues pendant la récréation peut être mis en place. – que vous pouvez aller aider vos collègues pendant un cours qui se passe mal d’ordinaire (en vous plaçant au fond de la salle par exemple). – que nous pouvons aussi tenir les classes avec les projets de voyage, de kermesse, d’action caritative, etc. » Voir également note n° 32.
 
[25] Cf. par exemple ce compte rendu de la première de ces expériences avec François* E. le 7 mars 2013, datant du jour même : « Les élèves sont arrivés en cours vers 13h20 [au lieu de 13h], dans un chahut aggravé par la présence inattendue, parmi eux, des élèves de Première ES (qui auraient dû être en cours avec Farid* Y., absent), et qui se sont invités dans ma salle sans même me consulter. Je ne les ai évidemment pas acceptés, et leur ai demandé de sortir. Face à leur réticence, S. (qui n’avait même pas encore eu l’occasion de se présenter) m’a aidé en leur demandant de sortir au plus vite afin que le cours puisse enfin commencer, et lorsqu’un élève de Première S, I***, s’est permis de m’interpeller insolemment pour contester ma décision et « proclamer » le droit des élèves de Première ES d’assister à ce cours […], M. S., qui était alors juste à côté de lui, lui a intimé l’ordre de baisser d’un ton et de s’adresser respectueusement à moi […] I*** a ensuite redoublé d’insolence en disant à S. qu’il ne s’adressait pas à lui mais à moi, et qu’il ne devait pas élever la voix sur lui (alors que lui-même se permettait d’élever la voix sur son Professeur, pour une question qui ne le concernait en rien !) […]. Suite à cette altercation verbale et grâce à l’aide de S., les élèves de Première ES sont sortis, mais ils étaient suivis par la majorité des élèves de Première S. Ils se sont installés au beau milieu de la cour. […] Quelques minutes plus tard, Ola [la Conseillère Principale d’Education]est venue demander des explications sur ce qui s’était passé, ne comprenant pas que les élèves soient entrés dans un premier temps puis ressortis. Elle pensait que S. avait été la cause d’un incident. Je lui ai expliqué ce qui s’était passé en réalité, et S. lui a exprimé son étonnement de la voir servir ainsi d’intermédiaire entre les élèves et les Professeurs, au lieu de tout simplement leur ordonner (aux Première S) de retourner en cours, laissant les explications à plus tard – ou au moins de les demander en privé, et non pas devant les élèves, ce qui peut donner l’apparence d’un poids égal (voire inférieur) à la parole des Professeurs et des élèves. En effet, en temps normal, rien, absolument rien ne saurait justifier qu’un quelconque élève – a fortiori les 2/3 de la classe – quittent la classe sans s’exposer aux sanctions les plus sévères. Ce n’est pas à un Professeur de se justifier – ni même à des élèves de les justifier, car ceux-ci ont été sollicités pour corroborer notre version des faits, ce qu’ils ont fait, comme s’il était nécessaire de les consulter – publiquement – à propos de la décision conjointe d’un (de deux) Professeur(s).Ola est repartie, et quelques minutes plus tard, elle est revenue avec la plupart des élèves de Première S, à l’exception de I*** qui était dans son bureau. Le cours a ensuite pu commencer, et s’est même mieux passé que d’habitude grâce à la présence d’un deuxième Professeur. S. a même pu échanger avec les élèves. […] Si cela était possible, je pense qu’il serait très profitable pour tous que S. (qui est d’accord sur le principe) puisse se voir affecter cette heure de cours à mes côtés, voire même deux heures le dimanche avec ces mêmes Première S, dont il est notoire que c’est la classe la plus difficile de l’établissement. »
 
[26] Cf. cet extrait d’un courriel à mes proches daté du 20 décembre 2012 : « Des ennuis, certains parents et élèves veulent ma peau apparemment, le proviseur dixit […] vu que je veux les tenir et y mets le prix – sévérité, punitions, exclusions de cours. Hier, j’ai une maman qui est venue me voir, avec le Proviseur, pour nous dire qu’on exagère, j’ai exclu sa fille qui bavardait, a rechigné à se déplacer, me parlait insolemment […] et la maman me dit que c[’est] pas une école religieuse, et que ma directive ne paraissait pas logique à sa fille (je l’ai placée au 1er rang, vers mon bureau où y a un ordinateur, mais apparemment c[’est] intimidant et même mauvais pour la santé, donc c[’est] pour ça qu’elle voulait pas…) et que donc je devrais être plus flexible, et patati et patata. Incroyable jusqu’où ils vont pour défendre leurs « anges », qui sont bien plutôt des diables. Mais c cool, j’y arriverai iA. » Autre courriel du 16 mars 2013 : « Le Proviseur, qui veut mon bien mais est faible et lui-même en danger, m’a fait comprendre que mon avenir au collège est pas assuré […] Il m’a laissé entendre que les blocages à mon sujet viendraient de l’administration égyptienne – CPE, direction – voire de qqs parents. J’ai pour moi 99% des élèves et des parents et c ces derniers qui décident. Le pb c’est que c’est toujours ceux qui sont pas contents qui crient et exigent, ceux qui sont contents se manifestent pas – pcq qu’ils savent rien. »
 
[27] Même courriel du 16 mars : « Le Proviseur m’a conseillé de me faire connaître des parents, organiser réunions, les appeler, faire faire des projets aux élèves, donner bcp de devoirs, etc. Les paillettes quoi, la quantité et pas la qualité. Je vais essayer de concilier mon professionnalisme avec la « publication », comme pour le théâtre ou les lettres au Petit Prince. »
 
[28] Cf. ce témoignage de François* E. daté du 11 mai 2013 : « J’ai accueilli pendant quelques séances de cours mon collègue Sayed Hasan au mois de mars 2013, [celui-ci] connaissant aussi les difficultés rencontrées avec cette classe de 1-S. Sa première venue date du jeudi 14 mars. [Suit le compte rendu des événements décrits en note n° 25.] Mon collègue S. est alors intervenu pour leur ‘faire un peu la morale’ et s’exprima notamment en Arabe, de façon ferme mais calme. C’est ainsi que j’ai pu ensuite, pendant environ un quart d’heure, démarrer le cours de Physique. Le dimanche suivant (17 mars) ayant à nouveau cette classe en Physique chimie (de 13h05 à 15h), les élèves à leur habitude, sont rentrés en salle avec plus de vingt minutes de retard, mais l’élève N*** est resté dans la cour, ce qui ne me dérangea nullement car cet élève perturbe régulièrement les cours et ne prend aucune note. D’ailleurs cet élève m’agressa de nouveau verbalement et tenta de m’intimider physiquement le jeudi 21 mars, en présence de Farid* Y., un enseignant du Collège. Mon collègue S., bien que ne travaillant pas le dimanche avait tenu à venir assister à mon cours […] pour m’assister en cas de difficulté, (comme le préconisait d’ailleurs notre Proviseur lors d’une réunion en novembre 2012). Le cours se déroula normalement et dans le calme ; mon collègue S. intervenant à différentes reprises pour me poser des questions et ainsi rendre le cours plus vivant. Par contre, le jeudi 21 mars, le cours de 13h05 à 14h fut un peu agité, certains élèves étant peu enclins à travailler. C’est alors que, avec mon accord, S. pris la parole pour essayer de raisonner les élèves perturbateurs. […] Finalement, j’ai pu à nouveau avancer dans mon cours jusqu’au moment où la sonnerie retentit. Il n’y eut par la suite aucun autre cours avec mon collègue S.. En effet, les élèves refusèrent de rentrer pendant la première heure de cours le dimanche 24 mars. Monsieur le Proviseur du Lycée ayant demandé à Salha de ne rester que durant une heure, celui-ci quitta la salla (labo-1) vers 14 heures. Que puis-je ajouter à cette déclaration ? sachant que mon collègue S. a eu tout au long de sa venue dans mes cours, un comportement tout à fait normal pour un enseignant ; avec le seul souci de faire prendre conscience aux élèves que l’on ne fait pas n’importe quoi en classe et qu’il est nécessaire de respecter ses Professeurs. »
 
[29] Voilà le verbatim de cette injonction manuscrite, qui prouve que les requêtes les plus extravagantes et pernicieuses d’élèves ou de parents sont exécutées docilement par le Proviseur, au détriment même de la sécurité des personnels dont il est responsable : « 17/03/2013 13h15 M. S., J’ai eu des demandes de parents concernant votre présence en 1ère S. Etant donné le caractère exceptionnel de cette intervention, je vous demanderais de ne rester qu’une heure et d’éviter par-dessus tout tout échange avec les élèves. A tout à l’heure. TF.» Par la suite, on m’a interdit d’assister François* E., sans qu’aucune mesure ne soit prise pour le protéger, et il a été agressé la semaine suivante.
 
[30] Extraits de ce rapport adressé au Dr. Mona Yassine, adjoint de Frédéric TUMPICH qui était alors en France, ainsi qu’à la CPE et au Professeur principal dénégateur Eric* C. : « Depuis le mois de janvier, un nombre important d’élèves n’est pas venu en cours le dimanche. Je me suis ainsi retrouvé à plusieurs reprises, à enseigner avec seulement trois élèves ; les autres préférant s’absenter pour terminer leur T.P.E (Travaux Personnels Encadrés). Et depuis février, ces élèves de 1-S arrivent en classe avec un retard très important ; il faut ajouter que depuis environ trois semaines, ils ne veulent plus travailler et saisissent toutes les occasions pour chahuter. […] J’ajoute que plusieurs élèves de cette classe entrent maintenant dans la salle (salle -1 , labo-1) où je travaille avec les élèves des autres sections. Cela s’est encore produit ce jeudi matin vers 9 heures lors d’un cours avec les Terminale-S. Comme je l’ai signalé en Conseil de classe le dimanche 17 mars, ces élèves : N***, A***, A***, Y*** et A*** n’ont qu’un but : perturber les cours que je dispense pour me retirer toute envie de rester l’année prochaine à MISR. […] je suis aussi victime de menaces verbales et tentatives d’intimidation, notamment de la part de l’élève N***. Cela s’est produit la première fois le jeudi 14 mars en présence de mon collègue S. qui était présent à mes côtés […] De même mardi dernier, lors d’une séance d’ A.P. (au labo-2) celui-ci a encore essayé de m’intimider et a tenté de manipuler l’ordinateur avec lequel je travaillais. J’ai dû le repousser fermement de la main. Et finalement ce jeudi 21 mars, pendant le cours qui se déroule de 13 à 14h, Naguib est venu au bureau où j’étais assis pour me menacer verbalement et m’intimider physiquement. Mon collègue Farid* Y., entré à ce moment là, a été témoin de cette agression. Devant de tels comportements, qui s’ils ne sont pas rapidement stoppés, peuvent aboutir à une situation dangereuse, je vous demande Docteur Mona, de bien vouloir mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire cesser ces agressions et assurer ma protection. Il n’est pas digne d’un établissement scolaire de laisser faire de tels agissements d’élèves. »
 
[31] Un manque de cohésion et de solidarité et un déni corroborés par Salima* C. dans son rapport adressé à Frédéric TUMPICH le 31 mars 2013, où elle mentionne qu’une telle attitude a encore eu lieu publiquement le jour suivant (le 27 mars au matin), date de l’agression : « Monsieur François* E., professeur de physique-chimie, titulaire hors-classe en fin de carrière, vit un cauchemar au lycée depuis plusieurs mois. Ses élèves le méprisent, le déshonorent, boycottent ou perturbent ses cours, le menacent… Vous le recevez régulièrement mais sa situation ne change pas. Elle s’aggrave. L’établissement recrute un autre professeur de physique-chimie qui intervient en même temps que Monsieur E., durant des heures de soutien, ce qui achève de le discréditer. Parallèlement, ses jeunes collègues, notamment Madame Elodie* Q. et Monsieur Eric* C. commettent l’erreur de le critiquer, de le juger, de l’évaluer négativement, de le culpabiliser. Ils portent sans le savoir une part de responsabilité dans l’acte de Monsieur E. que j’évoquerai plus bas [après avoir subi l’agression physique d’un élève, il a quitté l’établissement pour raisons de sécurité ; à la date de ce rapport, il n’était pas revenu – il a exercé son droit de retrait pendant une semaine entière] car le matin même avant ‘le drame’ ils mettent ce collègue en cause, l’humiliant en public à la cafétéria. » Les causes et conséquences de cet entre-déchirement mutuel (notamment un turn-over exceptionnel des personnels – cf. notes n° 22 et n° 35) sont évoquées plus loin : « Mars 2013. Vous planifiez des entretiens individuels dans la perspective de recruter pour la prochaine année scolaire. Vu le contexte, la panique s’empare des enseignants. Les stratégies individualistes prennent définitivement le pas sur la réflexion collective. Sauve qui peut : telle est l’ambiance générale. Les divisions de l’équipe pédagogique se creusent dans un contexte où l’agitation et l’agressivité des enfants et des adolescents de l’école se développent encore davantage. A l’issue de vos entretiens, il apparaît les statistiques suivantes : • Sur 18 enseignants français (dont 8 titulaires) : – 11 départs (dont 6 titulaires et 2 démissions en cours d’année), soit : – 6 non-renouvellements (dont 4 titulaires) ; – 4 départs volontaires (auraient-ils été reconduits ?) ; Sur les 10 enseignants recrutés en septembre 2012 (dont 6 titulaires) : – 7 départs (dont 5 titulaires et 2 démissions en cours d’année) ; – 4 non-renouvellements (dont 4 titulaires). »
 
[32] Ces décisions du proviseur avaient précédé ma venue et ont été confirmées ensuite en ma présence, comme le précisait son courriel aux personnels daté du 22 octobre 2013 évoquant la réaction à avoir face aux actes d’indiscipline dans des termes éloquents (presque militaires) : « La rapidité de réaction est essentielle. La coordination aussi. Tous les enseignants font ensuite la morale aux élèves. Si les élèves sentent que nous communiquons et formons un front unique, la partie est très bien engagée. La rentrée de novembre va être l’occasion d’un bras de fer qu’il va nous falloir gagner. Si nous l’emportons maintenant, nous aurons des conditions satisfaisantes pour la suite. La lutte sera à reprendre sûrement plus tard mais des points peuvent être marqués. » Voir également note n° 24.
 
[33] Extrait du compte rendu de cette intervention, adressé à Frédéric TUMPICH, à la MLF et aux services diplomatiques le 13 avril 2013, lorsque l’administration, afin de justifier mon exclusion face aux protestations des parents, a substantifié ses accusations en prétendant que j’avais « insulté » ces élèves (la teneur de ce propos a été partiellement confirmée par les témoignages de Sylvie* F. et de François* E.) : « To be a part of a [lynching] mob is as low as a man goes ». Cette citation d’Henry Fonda (acteur américain) exprime une vérité très importante, à savoir que des personnes qui, individuellement, peuvent être très respectables et avoir un comportement irréprochable, vont, dans certains cas, être entraînées par un mouvement de groupe à faire des choses mauvaises et injustes. Il se passe quelque chose d’inacceptable dans cet établissement, quelque chose avec quoi je suis familier puisque je suis directement intervenu dans le cours de M. François* E. et que j’ai vu de mes yeux la manière inacceptable dont les élèves le traitaient, sans aucun respect, allant jusqu’à l’intimidation verbale et même physique. Aujourd’hui, il a dû fuir l’établissement pour sa sécurité, et je ne sais pas quand est-ce qu’il reviendra. C’est une situation d’autant plus grave qu’elle est connue de tous, élèves, personnels et administration, au point qu’hier même, la question de savoir ce que les Professeurs feraient en cas d’agression physique contre François* s’est posée explicitement en présence de 4 professeurs. Un groupe peut nous entraîner bien bas, vers les injustices les plus graves. On prétend que François* n’est pas un bon Professeur. Mais premièrement, je le connais, et je peux attester que c’est le Professeur le plus compétent et le plus investi de tous pour ses élèves, bien plus compétent et investi que moi-même. Car on peut être un Professeur et ne pas faire beaucoup d’efforts, voire pas du tout. Ce n’est pas le cas de François*. Deuxièmement, on ne lui donne même pas une chance de montrer ce dont il est capable. Je sais à quel point les élèves peuvent être cruels, sans le vouloir véritablement ou sans s’en rendre compte, car j’ai moi-même été accueilli de la plus dure des manières par mes élèves de 6e et de 4e. Ils ne m’ont laissé aucune chance. Et certains m’ont avoué qu’ils voulaient me faire craquer, encouragés par l’expérience avec Myriam*. Au début, ils ne pouvaient pas avoir quoi que ce soit contre moi, puisqu’ils ne me connaissaient même pas. Ils n’ont pas même voulu savoir comment j’allais être, ils ont été impitoyables, et ils l’ont reconnu par la suite. Ce n’est que grâce à ma patience et à ma persévérance que j’ai pu résister, m’imposer et me faire apprécier. Pas besoin de me croire sur parole. Allez demander aux 6ecomment ils m’ont accueilli au départ, et ce qu’ils pensent de moi maintenant. Allez poser la même question aux 4e, dont je ne suis plus le Professeur : demandez-leur s’ils sont contents de mon départ ou s’ils me regrettent. C’est une vérité générale dans la vie : on ne se rend compte de la vraie valeur des choses, positive ou négative, que lorsqu’on les a perdues. Des élèves du lycée ont reconnu explicitement qu’ils voulaient faire partir François*. S’ils réussissent, ils risquent de le regretter. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de mauvais professeurs. Il y a des mauvais professeurs. Mais même dans ces cas, il faut agir de manière raisonnable et juste. Raisonnable, parce qu’il ne faut pas oublier qu’on a un objectif principal, le baccalauréat. Le Professeur ne sera pas moins payé si on a raté son baccalauréat, ou si on n’a pas obtenu la note qu’on aurait pu avoir. Il a ses diplômes, son travail, il a donc ‘fait’ sa vie. Mais ce sont les élèves qui ont encore tout à faire. C’est eux qui paieront le prix s’ils n’ont pas assez travaillé. Oui, je vous le dis, vous êtes les premières victimes de cette indiscipline, et d’ailleurs, j’ai dit à François* que ce n’est pas tant pour lui que pour les élèves que je venais l’assister dans ses cours, bénévolement, durant mon jour de repos. C’est pour vous, car je vois que vous gâchez votre potentiel par ce comportement, qui nuit bien évidemment à toute la classe. Ne croyez pas qu’on vous rende service en ne vous sanctionnant pas. J’ai vu, avec mes 4e, le très grand potentiel qu’ils recelaient, et qui a été révélé, après des combats intenses pour obtenir la discipline et la concentration, par des productions de très grande qualité (je les ai même envoyées à ma famille). Demandez-leur donc. Si vous concentrez toute votre énergie dans le travail, dans des choses positives, vous êtes capables de prodiges. Je n’exagère pas. […] Et si je voyais mon Proviseur [celui de mon ancien lycée, quand j’étais en Terminale ; j’avais rapporté aux élèves un incident dans lequel un manque de respect envers un Professeur injuste et incompétent m’avait légitimement valu trois jours d’exclusion], je le remercierais pour sa punition. Je n’ai pas payé une fortune pour m’inscrire dans ce lycée (un lycée public, gratuit, je n’avais pas les moyens d’autre chose, contrairement à vous) mais j’ai été bien ‘éduqué’, l’administration faisait bien son travail et assumait toutes ses responsabilités. Elle nous préparait à la vie adulte par le travail et par l’exhortation au bon comportement. […] Et plus on grandit, plus on paie cher le manque de contrôle. Il faut donc toujours rester maître de soi. C’est ce que j’explique à mes 6e, avec Le Petit Prince. Je vous assure, dans ce lycée même, ce ne sont pas les loups qui manquent, alors restez toujours maîtres de vous pour vous en prémunir : être le plus intelligent ne suffit pas. Ce que font certains élèves ici est non seulement irresponsable, pour leur avenir, mais lâche. Irresponsable parce qu’ils gâchent leurs capacités. Lâche parce qu’ils savent qu’ils ne risquent rien. François*, à l’âge vénérable où il est arrivé, n’est pas capable de se défendre comme je le ferais moi par exemple. Et puisque l’administration ne vous sanctionne pas et permet que, chaque jour, les élèves restent dans la cour une demi-heure de plus, sous les yeux des CPE, et entrent en classe à 13h30 au lieu de 13h, s’y comportant de la manière la plus inacceptable, les élèves savent qu’ils n’auront rien (et ils se lèsent eux-mêmes car ils ont payé une heure de cours et ne font qu’un quart d’heure). Et, je vous le dis, il n’y a rien de plus lâche, rien de plus minable que de s’attaquer à quelqu’un qui est sans défense. […] Pour conclure, ni moi ni aucun collègue ne vous demandons de faveurs personnelles. Il n’y a pas besoin que vous soyez gentils, généreux, compréhensifs à notre égard, quelles que soient nos caractéristiques ou même nos problèmes personnels s’il y en a. Agissez dans votre intérêt. Ne perdez pas de vue l’objectif. Soyez responsables d’abord, et la justice viendra d’elle-même. Je demandais à mes 6e s’il était plus important de se respecter soi-même, de respecter ses camarades ou de respecter le Professeur. Le plus important est de se respecter soi-même : quand on a assez de respect pour soi, on s’oblige à respecter tout ce qui est respectable, et on s’interdit tout acte honteux. Je vous invite à penser à vous-mêmes, et à personne d’autre, mais avec sagesse et lucidité. »
 
[34] Courriel de Frédéric TUMPICH aux personnels daté du 12 avril 2013, qui cautionne l’accusation calomnieuse portée par des élèves contre François* E. : « En mon absence encore, un élève de Seconde a affirmé que son enseignant l’avait poussé en cours jusqu’à le faire tomber. J’ai vu le père de cet élève avec Nermine. Celui-ci était confus de l’attitude de son fils. En effet, cet élève avait été exclu de cours par l’enseignant et était revenu en classe deux fois de sa propre initiative, contrevenant ainsi directement à un ordre de son professeur. Nous avons demandé à l’élève d’écrire une lettre d’excuse à l’enseignant, ce qui a été fait. Il a manifesté un repentir sincère. [sic] Une sanction d’exclusion avec sursis a été prise à son égard. J’ai rendu visite aux classe de Seconde et leur ai demandé de se comporter correctement en cours. »
 
[35] Ainsi paie-t-on des titulaires au rabais en invoquant des prétextes spécieux et en les assurant d’une reconduite de leur contrat pour l’année suivante à des conditions de travail & salariales qui compenseront cette situation, puis leur pose-t-on comme condition d’enseigner d’autres matières que les leurs, même s’ils n’ont pas la qualification ou l’expérience requises, et voient-ils leurs contrats non reconduits pour l’année suivante en cas de refus, malgré les accords précédents, pour la raison suivante (Frédéric TUMPICH dixit à ladite collègue en question) : « j’ai un tas énorme de CV de personnes qui travailleront pour bien moins cher que vous (…) si vous acceptez d’enseigner le français, je peux vous garder ». De fait, selon ce rapport d’une collègue, « 4 autres collègues titulaires expérimentés […] ont également été ‘débarqués’ sans aucune explication à la fin de l’année scolaire en juin 2013. L’explication m’en a été donnée quelque temps après: L’école MISR avait demandé l’homologation de la terminale d’où le recrutement de titulaires chevronnés pour l’année 2012-2013. Une fois l’homologation garantie, ils se sont ‘débarrassés’ des titulaires. Le nouveau proviseur français de connivence avec les investisseurs et parents d’élèves a largement œuvré dans ce sens. Pour les non-titulaires, il y a aussi une grille de rémunération mais d’après ce que j’ai compris chacun négocie. Aucune transparence. »
 
[36] Voici le courriel que j’ai adressé aux directions française et égyptienne le dimanche 24 mars 2013 : « Monsieur TUMPICH, Comme vous le savez peut-être, je n’ai toujours pas de compte en banque alors que j’ai pris mes fonctions le 19 Novembre 2012, soit il y a plus de 4 mois. J’ai rempli et signé tous les papiers nécessaires, à plus d’une reprise, et me suis constamment enquis auprès de Mme Yara de l’avancement de ce dossier. A chaque fois, on me parlait d’un mystérieux problème me concernant et touchant également d’autres collègues, et sur lequel l’établissement ne pouvait rien. Tous les efforts étaient exercés, m’assurait-on, et la question était ajournée à plus tard, lorsqu’il y aurait des nouvelles, lorsque les responsables seraient disponibles, etc. Finalement, il y a deux semaines, Mme Yara m’a dit que tout ce qu’elle pouvait faire était de me donner une espèce de carte de retrait qui me permettrait de retirer ma paie, sans pour autant que j’aie un compte, ce qui m’a paru non seulement incroyable mais en plus inacceptable : comment peut-on travailler et vivre dans un pays sans avoir de compte ?Jeudi 14 mars, une semaine après avoir découvert que j’avais été lésé de près de 3000 livres sur mes paies précédentes (ce dont j’ai informé Mme Yara, exigeant que ce problème soit réglé au plus vite), pour la première fois, je me suis dirigé non pas vers Mme Yara (qui était occupée), mais vers le bureau qui s’occupe des comptes en banque. On m’a informé que depuis deux mois, on me demandait seulement mon adresse, seul élément qui manquait pour que mon compte puisse être ouvert à la CIB. On m’a assuré avoir directement informé Mme Yara de ce fait. Cela a été répété et confirmé en sa présence. Il s’avère donc qu’on a délibérément laissé cette affaire traîner en longueur depuis des semaines, pour des raisons que je peux seulement imaginer. Et sans cette initiative qui n’a été possible que parce que je parle couramment l’arabe, je n’aurais jamais été informé de la réalité des faits. Depuis mon arrivée, je n’ai pas de compte en banque, je touche mon salaire en liquide, et je suis obligé de le garder chez moi et de le transférer sur mon compte en France, avec tous les coûteux désagréments que des transferts et retraits internationaux peuvent entraîner (taux de change, frais bancaires conséquents, délais, etc.). Cela est absolument inacceptable, d’autant plus que l’affaire toute entière reposait sur un point de détail dont on n’a point daigné m’informer, à savoir mon adresse, que j’aurais bien évidemment communiquée sans problème, ayant emménagé fin Novembre. Je demande à ce que ces problèmes soient réglés au plus vite, pour le 1er avril au plus tard, et à obtenir une compensation au moins égale aux frais occasionnés pour tout ce que ces graves manquements injustifiables m’ont coûté. » Voici la réponse que j’ai reçue le jour même : « M L., Je vous transmets la réponse de Mme Nermine: Elle est très occupée cette semaine par les interviews avec les nouveaux parents. Elle vous accueillera en présence de M. TUMPICH la semaine prochaine. Cordialement Yara Youssef »
 
[37] Voilà quelques notes & moyennes (brillantissimes !) de ses élèves de 4e A en Français, pour le 2e trimestre 2012-2013 : l’élève N*** a trois notes : 15/20, 02/20, 15/20, ce qui lui fait une moyenne de… 16/20 ! L’élève A*** a deux notes, 01/20 et 11,5/20, ce qui lui fait une moyenne de… 14/20 ! L’élève J*** a trois notes, 13,5/20, 06/20 et 15,5/20, ce qui lui fait une moyenne de… 18/20 ! L’élève M*** a trois notes, 16,5/20, 01/20, 00/20, ce qui lui fait une moyenne de… 13/20 ! L’élève L*** a deux notes, 05/20 et 07,5/20, ce qui lui fait une moyenne de… 14/20 ! L’élève H*** a trois notes, 05/20, 08/20, 15,5/20, ce qui lui fait une moyenne de… 18/20 ! L’élève R*** a trois notes, 16,5/20, 12/20 et 15,2/20 (sic), ce qui lui fait une moyenne record de… 19/20 !!! Etc., etc.
 
[38] Cf. un témoignage d’une maman d’élève de 6e, daté du 18 juin 2013, dénonçant « une corruption généralisée et un manque de rigueur » ainsi qu’une « gestion menée d’une manière brutale ».
 
[39] Cf. Henri Guillemin, Une certaine espérance, Conversations avec Jean Lacouture, Le Seuil, 1992, p. 43.
 
[40] C’est cet établissement qui a accueilli Myriam* H. après son départ de MISR, et malgré une tentative malveillante de Frédéric TUMPICH auprès de la direction de cet établissement en vue de la discréditer. La direction de la Mère de Dieu, qui connaît et abhorre le fonctionnement de ces établissements, l’a envoyé paître, lui demandant pourquoi il se plaignait d’être débarrassé d’une enseignante prétendument « incompétente et fragile ». Mais comme nous le verrons, même un établissement comme La Mère de Dieu se ressent du fonctionnement de ce « système mafieux » : grâce à la recommandation de collègues et de parents et après un entretien, la direction de La Mère de Dieu, qui connaissait le différend qui m’opposait à MISR, s’était engagée à me recruter pour l’année suivante mais a finalement renoncé, cédant à l’ostracisme de Paul PETIT.